Mettez-vous à sa place. Mieux vaut démissionner dans le confort de son palais municipal que du parking du quartier général de la Sûreté du Québec, non?

Gilles Vaillancourt pouvait jouir une dernière fois d'un semblant de dignité dans le décor.

Un décor, oui. Le décor du grand théâtre de la politique municipale à Laval.

En apparence, une ville superbement gérée: une dette qui diminue, des taxes peu élevées, des services municipaux de grande qualité, une activité économique de plus en plus autonome et bouillonnante.

Sous ce décor: les terres humides et gluantes de la corruption sur lesquelles Gilles Vaillancourt a bâti maison.

C'est du moins ce que nous suggèrent ces perquisitions de la police, jour après jour, coffret après coffret...

Pas seulement les perquisitions, au fait.

Une enveloppe, deux enveloppes, trois enveloppes...

Deux députés provinciaux et un organisateur d'un député provincial qui disent s'être fait offrir de l'argent comptant par Gilles Vaillancourt lui-même. On a leur nom, ils donnent une date, des détails.

Le premier fut Serge Ménard, rappelez-vous, qui a révélé (un peu forcé) s'être fait offrir 10 000$ en espèces par le maire.

Ça ne pouvait pas mieux tomber. Assez de gens peuvent témoigner de l'honnêteté de Ménard, c'est tellement certain qu'il dit vrai.

Vaillancourt a nié, menacé de poursuivre, mais pas fou, il y a renoncé.

Ce témoignage-là en a amené d'autres. Et voilà maintenant que l'huissier Jean-Yves Lortie dit à Radio-Canada qu'il a donné personnellement 15 000$ deux fois à Vaillancourt pour obtenir des contrats.

Vaillancourt nie encore, mais ça commence à faire pas mal de «menteurs» contre le pauvre maire...

Les vannes sont ouvertes. Les barrages du silence des complices ont craqué. Les rats fuient de partout. Les eaux de ce système viennent de l'engloutir. Vrram!

Et la commission Charbonneau n'a pas encore mis les pieds à Laval pour vrai...

***

Je ne sais pas pourquoi les gens trouvent que c'est un sombre jour, une sombre époque.

Ça fait 40 ans que ça dure à Laval: la voilà, la période sombre, celle de l'omerta. C'est au contraire une période lumineuse que nous vivons! Enfin on le dit, enfin on le montre, enfin on va derrière le décor!

Et s'il vous plaît, n'allons pas comparer Gilles Vaillancourt à Gérald Tremblay. Le maire de Montréal est coupable d'un manque de surveillance grave, d'aveuglement et de complaisance. Mais on ne verra pas la police débarquer chez lui. On ne l'a pas vu tripoter des enveloppes.

Gilles Vaillancourt est visé personnellement. Pas par des allégations de financement politique illégal. Par des allégations de fraude massive, préméditée et répétée.

Quelle farce de l'entendre, hier, se lamenter sur notre triste temps où «tous les élus» sont «accusés de tous les maux».

Non, monsieur. Pas tous les élus. Certains élus. Certains maux.

Certains élus qui ont essayé de mouiller d'autres élus, d'ailleurs, pour les emmener dans leur propre marécage politique...

Heureusement, il y en a qui ont dit non. Heureusement, il y a eu Serge Ménard. Heureusement, il y a eu Vincent Auclair. Un péquiste, un libéral. Qui ne se connaissent pas. Qui ne sont pas de la même famille politique. Mais qui ont très simplement dit non quand on leur a tendu une enveloppe pleine de fric.

L'époque n'est pas triste du tout. Sauf pour les naïfs et les complices. Ce qu'il était interdit de chuchoter il y a 20 ans, on le dit sous serment, on l'imprime dans le journal.

Il y a au moins un truc de bien avec Gilles Vaillancourt: il ne nous dit jamais qu'il ne savait pas. Il dit: ce n'est pas vrai. Ou il ne dit rien.

Parce que si c'est vrai, lui, il le savait...

Ce qui nous amène à nous demander ce qui en est de son équipe. Qu'ont-ils à dire? Eux, que savaient-ils? Sont-ils des Gérald Tremblay, qui n'ont vu aucun gros char passer, même s'ils étaient assis aux premières loges du défilé des enveloppes?

Sont-ils des aspirants Vaillancourt? Les a-t-on tous savamment enfirouapés?

Restez à l'écoute, la Commission revient après la pause...