Il faudrait mettre un peu d'ordre dans ce fatras de saloperies politico-asphalteuses. Où est le solide, où est le vaporeux?

Commençons par le témoin: Lino Zambito. «Je n'ai pas été un ange», a-t-il dit à la Commission.

Merci beaucoup pour la précision. Comme Jean Brault à la commission Gomery, qui racontait les crapuleries du Parti libéral du Canada, il y a toujours le risque de transformer ces témoins de l'intérieur en héros anticorruption.

M. Zambito est un escroc. Repenti, certes, mais escroc quand même. Il nous a tous floués de plusieurs millions en facturant beaucoup trop pour des travaux, il a fourré l'impôt, il a corrompu des fonctionnaires, il a participé à la pourriture démocratique.

On est bien contents qu'il nous raconte cette histoire derrière les rideaux du théâtre politique.

Un jour, j'imagine qu'on lui demandera pourquoi il cause autant, vu qu'il s'avoue publiquement coupable d'immenses fraudes et complots. Peut-être pour aider sa cause criminelle. Mais le fait est qu'il parle et que c'est fort utile. On le remercie. N'oublions pas pour autant qui il est.

Ça ne veut pas dire que les délateurs mentent. C'est ce que les avocats des gens dénoncés veulent nous faire croire: la parole d'un criminel avéré ne vaut rien! Ce n'est pas vrai. Il faut simplement en user avec précaution. Y a-t-il de la corroboration? D'autres témoins? D'autres preuves?

Je présume qu'il y en a. On espère que cette commission a un sens des responsabilités et ne veut pas se faire décapiter par les tribunaux. D'autres viendront donc en ajouter. Ou confirmer.

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Parlons un peu de Laval. Fascinant, Laval. Comme par hasard, l'Unité permanente anticorruption a fait une série de perquisitions la semaine dernière dans plusieurs entreprises nommées hier par le témoin. Et à la Ville. Et chez le maire.

Il faut donc qu'un juge de paix ait estimé qu'il y avait suffisamment de motifs pour aller fouiller à tous ces endroits au sujet d'un complot de corruption. Un complot qui impliquerait les mêmes acteurs que ceux nommés par le témoin Zambito. Cette coïncidence ressemble à une coordination bien légitime des actions de la police et de la Commission.

Lino Zambito n'est pas le témoin d'un versement à Gilles Vaillancourt. «On» lui a dit que le maire touchait 2,5% des contrats; l'ingénieur Marc Gendron de Tecsult lui a demandé 25 000$ prétendument pour le maire, dit-il. Voilà toute sa preuve à ce sujet.

Jusqu'ici, c'est donc du pur ouï-dire. On peut imaginer que si ce Gendron a bien dit ça, il a pu garder l'argent - un vieux truc. La Commission serait bien imprudente alors d'avoir laissé le témoin nommer Gilles Vaillancourt. Je m'attends à une suite.

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Quant à Pierre Bibeau, cette fois Zambito est un témoin direct: il dit lui avoir remis lui-même 30 000$ en argent comptant provenant d'une activité de financement apparemment illégale impliquant des gens de la construction.

La preuve est incomplète et Pierre Bibeau nie. Mais on ne pourra pas nier ceci bien longtemps: le système de financement des partis politiques est joyeusement contourné, au municipal comme au provincial. Il est contourné... par des gens qui obtiennent des contrats du gouvernement. Et organisé par des firmes de génie-conseil.

L'ancien président de Tecsult a déjà admis sous serment dans une affaire fiscale que la firme de génie-conseil finançait les partis politiques (PLQ et PQ) illégalement avec des prête-noms.

On ne condamnera pas trop vite les gens visés. Bien d'autres témoignages nous attendent et Zambito n'a pas tout vu.

Mais sur ceci, au moins, les recoupements ne laissent pas tellement de doute: des entreprises de construction et d'ingénierie importantes ont financé le PLQ et, au moment opportun, le PQ ou la défunte ADQ. Parce qu'elles pensaient obtenir ainsi des contrats - et en ont obtenu. Certaines de ces firmes sont déjà accusées de fraude et de corruption.

On dira ce qu'on voudra de Lino Zambito: ces bouts-là de son récit (tuyaux, cadeaux, ristournes, cocktails, cash pour le parti, contrats), tout ça ressemble sacrément à la vérité.