La nouvelle ministre de l'Éducation a décidé de remettre en question le financement des écoles privées d'une bien étrange manière: en attaquant l'idée de la sélection.

La sélection est pourtant partout dans le réseau public. Dans les écoles internationales, qui sont un succès. Dans les écoles sport-études, où il faut non seulement des aptitudes sportives, mais aussi la capacité académique de faire ses cours dans une demi-journée ou à peine plus. Et dans les programmes à vocation particulière - où il faut parfois passer une audition.

Si elles n'ont plus le droit de faire une sélection, elles n'auront plus de privé que la gestion de leurs immeubles...

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Le problème est évidemment ailleurs. Il est dans le fait que ces institutions privées sont en réalité subventionnées à hauteur de 60%. Les coûts sont d'environ 3000$ à 3500$ par année d'étude. C'est dire que l'État finance environ de 4000$ à 5000$ par élève.

Comment peut-on être «privé» quand la majorité des fonds viennent de l'État?

C'est une contradiction (et une sorte d'embarras aussi) qui a ses raisons historiques. Quand, dans les années 60, on a créé le ministère de l'Éducation et retiré la mainmise de l'Église sur le secteur, il a fallu faire un compromis.

D'une part, on reconnaissait la contribution des collèges «classiques» catholiques. D'autre part, les élèves éduqués dans ces établissements étaient autant d'élèves de moins dans le réseau public, qu'il fallait d'urgence développer. Une compensation apparaissait donc légitime.

Au fil des ans, la contribution a diminué pour se fixer à 60%. Depuis 40 ans, plusieurs réclament l'abolition pure et simple de cette subvention.

La question se pose de plus en plus, puisque les effectifs du privé sont passés de 4% en 1970 à... 20% de la clientèle des écoles secondaires du Québec.

Si les parents de tous ces élèves payaient entièrement pour l'éducation privée, cela dégagerait plus de 700 millions. En apparence. Parce qu'avec les données sur le revenu des ménages, on peut sans grand risque de se tromper avancer qu'une grande proportion de ces parents n'auraient tout simplement plus les moyens d'envoyer leurs enfants au privé.

Ceux-là retourneraient donc dans le secteur public en masse. Il n'est donc pas du tout certain que l'État ferait des économies.

Resteraient dans le privé ceux qui ont les moyens ou qui sont prêts à payer 8000$ ou 10 000$ ou plus par année - comme c'est le cas dans certaines écoles huppées à Montréal et en Ontario.

Je ne suis pas bien sûr qu'on aurait aidé quelque élève en difficulté.

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Ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas s'interroger sur la hauteur des subventions. Ou sur les obligations à imposer aux écoles privées. Le compromis historique est sans doute à revisiter intelligemment.

Mais décréter brutalement un beau matin qu'il ne doit désormais y avoir aucune sélection des élèves est une des très mauvaises manières de lancer ce débat.

Le système scolaire doit se soucier des élèves en difficulté. Mais il doit aussi offrir un espace à ceux qui ont des talents et des intérêts particuliers et le goût de les développer. Parmi les succès du public depuis 20 ans, on compte plein d'initiatives qui supposent une forme de sélection et d'enrichissement de l'enseignement.

Ce n'est pas en plaidant pour un système à vitesse unique, dont de toute manière les parents québécois n'ont pas l'air de vouloir, qu'on aidera les élèves en difficulté, ou qu'on fera de meilleures écoles.

La sélection n'est pas l'ennemi du système scolaire.