Ciel, une perquisition chez le maire Gilles Vaillancourt? Je rêve.

Personne n'est encore accusé, mais une monarchie municipale s'effondre sous nos yeux, mesdames et messieurs.

Laval... où règne depuis 1989 le maire Vaillancourt, souvent attaqué, jamais inquiété.

Est-ce l'effet Marteau ou l'effet Zambito? C'est surtout, derrière cette commission d'enquête, derrière ces escouades anticorruption, un mouvement général de dégoût et de révolte contre les détournements de démocratie organisés. Sans cet élan, mû par un journalisme d'enquête vigoureux, pas d'effort policier, pas de commission d'enquête.

Que trouvera-t-on? Au moins ceci: les choses ne peuvent plus continuer comme avant. Le ménage est en marche.

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Laval, comme Montréal, est un «marché fermé», a dit cette semaine l'entrepreneur Lino Zambito. Ce que ça veut dire, c'est qu'un petit gang d'escrocs s'empare des contrats publics, se les partage.

Il paraît qu'il faut de l'aide pour que l'escroquerie fonctionne. Il ne suffit pas que les entrepreneurs s'entendent entre eux. À Montréal, a dit Zambito, il fallait corrompre des fonctionnaires. Il fallait payer la mafia. Il fallait financer le politique.

À Laval? On ne le «sait» pas encore: Zambito n'est pas rendu là dans son récit. Ce n'est peut-être pas un pur hasard, donc, si la Sûreté du Québec a fait ses perquisitions hier, avant que la preuve commence à circuler publiquement.

Le fait est qu'une enquête criminelle d'une envergure qu'on n'a jamais vue à Laval est en cours et elle est rendue dans le sous-sol du maire.

On en était venu à croire que les scandales et les enveloppes lui glisseraient dessus éternellement sans que jamais rien de fâcheux ne lui arrive, vu qu'il était réélu à répétition et comme à perpétuité... Comme s'il jouissait d'une immunité divine et politique.

Souvenons-nous des enquêtes de mes collègues Bruno Bisson et André Cédilot, il y a presque 20 ans, sur des contrats de toutes sortes accordés par la Ville dans des contextes de copinage.

Le plus suave était bien sûr ce contrat de balayage électronique de l'hôtel de ville et du bureau du maire, donné à un organisateur politique sans appel d'offres - 170 000$. Chaque semaine, le brave homme venait vérifier s'il y avait de l'écoute électronique.

Divers scandales ont pimenté son administration, et chaque journaliste à Montréal a entendu au moins une «histoire de Laval» plus ou moins étayée. Mais jamais rien n'allait arriver.

Puis soudain, l'an dernier, oups, une enveloppe brune a fait surface aux nouvelles de Radio-Canada.

Et une autre...

Des enveloppes d'argent comptant offertes par Gilles Vaillancourt lui-même à des candidats de deux partis politiques différents, Serge Ménard (Parti québécois) et Vincent Auclair (Parti libéral du Québec).

Quelqu'un quelque part doit bien avoir commencé à parler... Les fissures apparaissaient.

Le maire s'est dit indigné, a tout nié, menacé de poursuivre Ménard... pour ensuite laisser faire. «L'Histoire jugera», a-t-il dit avec la pompe des grands jours.

Puis, au mois d'août, on voit apparaître une troisième enveloppe offerte par le maire de Laval, celle-là à un organisateur péquiste qui l'affirme publiquement: 10 000$.

Ça commence à faire beaucoup de gens qui disent s'être fait offrir des enveloppes d'argent par le maire. Drôle de manie, non? C'est un cleptomane à l'envers, c'est plus fort que lui, il voit un politicien, il sort une enveloppe...

Si c'est vrai, et j'ai toujours cru en l'honnêteté de Serge Ménard, dans quel but faisait-il ces «dons» ? N'est-ce pas pour mouiller un peu ces recrues politiques? Est-ce un piège ou une pente glissante?

On ne le saura peut-être jamais. Ce qu'on sait, c'est que la loi du silence n'est plus respectée. Et si, dans cette enquête, on fouille non seulement la mairie, mais également le service d'ingénierie de la Ville de Laval, c'est que la police semble viser le coeur du système de gestion des travaux publics de la troisième ville du Québec.

Personne n'est accusé. On ne sait pas ce qui en sortira.

Mais marquez bien cette date au calendrier des affaires municipales: c'est officiellement la fin d'une époque.