Ce stade olympique nous aura donné des frissons jusqu'à la fin.

La fin, ce fut ce bâton jaune promené autour de la piste en 36,84 secondes. Jamais bâton ne s'était promené si vite sur Terre dans les mains d'un homme (quatre en fait).

Comme de raison, c'est Usain Bolt qui l'a fait voyager le dernier, avec une application qui a duré cette fois jusqu'à la ligne d'arrivée.

--Qu'est-ce que vous faites, en Jamaïque, que les autres ne font pas ?

« Pour nous, l'important c'est de s'amuser, a dit le capitaine de l'équipe de relais 4x100 m, Michael Frater. On s'entraîne... Juste assez. On n'a pas la pression des Américains, ces gars-là se sentent obligés de gagner coûte que coûte.»

Tout ça a tellement l'air facile et léger, on dirait une rigolade permanente...

« Nous sommes comme Mr. Bean, nous venons de l'espace », a dit Yohan Blake.

--Yohan, je t'ai dit d'arrêter de dire des conneries comme ça, ils finiront par te passer la camisole de force, a enchaîné Bolt.

Après trois conférences de presse, les journalistes ne savent plus trop quoi lui demander.

--Usain, le plus dur est à venir, quand tu reprendras la vie normale... Tu te vois où en 2012 ?

--Hola... 2012 ! En train de chiller quelque part, je sais pas...

--Usain, Jacques Rogge (président du CIO) a dit que tu n'es pas une légende, que c'est seulement toi qui dis ça...

--La prochaine fois que vous le voyez, demandez-lui donc ce que je devrais faire de plus, qu'aucun humain n'a jamais fait, pour devenir une légende vivante.

L'arbitre a menacé de disqualifier l'équipe s'il ne remettait pas immédiatement le relais, qu'il voulait garder en souvenir. « Il a dit que c'était la règle ». Bolt en a marre des règles, il trouve qu'il y en a un peu trop en Angleterre. Finalement, ils lui ont donné ce bâton jaune.

Il vous énerve ? Moi pas. Ça change des Américains qui remercient lourdement le Tout-puissant.

Je dis ça, mais quand on a demandé à la médaillée d'argent du saut en hauteur, l'Américaine Brigetta Barrett, ce qu'elle chantait entre ses sauts, elle a surpris tout le monde en entonnant un chant religieux d'une voix sublime... On en braillait.

Mais en tout cas, sans Bolt à Rio, on risque de s'ennuyer.





PHOTO LA PRESSE CANADIENNE

L'équipe de la Jamaïque célèbre après avoir remporté l'or au 4x100 m et brisé le record du monde.

Moooooo !

Quelque part en Somalie, un homme a pris son bâton et a marché six kilomètres pour aller écouter le 5000 m dans le village qui a l'électricité. C'était le grand frère de Mo Farah -lui a immigré à huit ans en Angleterre avec son père.

C'est une marche qui a valu la peine...

Avant la course, Sebastian Coe, ancien champion olympique du 800 m et président du comité organisateur de Londres, a dit qu'une victoire de Farah ferait de lui « le plus grand athlète britannique de l'histoire ».

Eh bien c'est fait, même si Farah n'en demande pas tant.

Ce n'était vraiment pas gagné. Farah est arrivé sur la piste avec des hourras, mais aussi avec la... 11e performance mondiale sur la distance en 2012. Des 15 coureurs, son record personnel (12:53) était le 7e. Il y a tout juste un mois, les trois Éthiopiens avaient enregistré des meilleurs temps que ça.

Ce fut une drôle de course. Lente. Tactique. Tout le monde se surveillait.

« Les courses de championnat sont rarement rapides », a dit Farah.

On veut bien, mais ce fut le 5000 m olympique le plus lent depuis 1968 --couru dans la chaleur et l'altitude de Mexico.

« J'ai peut-être fait une erreur en ne poussant pas plus au début », a dit Dejen Gebremeskel, qui a pris l'argent. L'Éthiopien a tenté de prendre le contrôle au km4, mais Farah ne l'a pas lâché. Et le dernier tour, incroyablement porté par la foule, Farah l'a couru en 52 secondes. Le Kenyan Thomas Longosiwa a fini troisième.

À l'arrivée, Farah a fait quelques redressements assis, comme un écho aux pompes de Bolt après le 200 m.

« Il y avait du bruit comme dans un stade de foot après un but », a dit Farah, encore renversé.

Ce genre de choses n'arrive pas souvent. Farah est le septième à réaliser un doublé 5000 m-10 000 m aux Olympiques (avec Bekele, Viren, Zatopek...).

« Avant, je regardais les Gebreselassie et je me disais : ces gars-là sont intouchables. Mais j'ai appris d'eux. Je suis allé en Éthiopie, au Kenya. Je me suis entraîné avec eux. »

Et deux fois il les a battus en une semaine folle et sublime.

«Ma femme attend des jumeaux alors je voulais qu'ils aient chacun leur médaille.», a t-il lancé.

Levins déçu

Le Canadien Cam Levins, 14e sur 15 (13:51:87), a souffert. Il était déçu. Mercredi, quand il s'est qualifié dans une vague très rapide, il avait réalisé son meilleur temps à vie. Mais il avait déjà un rhume... qui a dégénéré depuis. Il courait sous antibiotiques avec une bronchite.

« J'ai essayé de me préserver pendant la course, mais dans les cinq, six derniers tours, la vitesse a augmenté et je n'étais pas capable de suivre.

« Je vais travailler plus fort, je ne suis pas tout à fait à leur niveau mais je sais que je peux les rejoindre (Farah, Rupp, les Africains).»

Plus fort ? Levins court 260 km par semaine...

Pour une première présence aux JO, ce coureur de 23 ans a surtout montré un potentiel et une capacité de progression très prometteurs.

PHOTO AFP

Mo Farah et sa médaille d'or