C'est vrai, si Oscar Pistorius était parmi les meilleurs coureurs, on aurait trouvé le moyen de lui barrer le chemin.

Mais, encore plus vrai, quand il s'avance vers toi dans la zone mixte et que tu sais un tout petit peu ce qu'a été sa vie, tu es impressionné.

Les quatre Américains étaient passés, Angelo Taylor, doublé dans le dernier 100 m, avait cogné sur une bande. Insulté! Les Bahamiens aussi, tout en or (argent à Pékin), en riant et en dansant.

Il est arrivé le dernier. Je me suis étiré le cou pour voir les lames de carbone qui lui servent de prothèses. Il avait revêtu des survêtements, il portait des souliers. Rien ne le distinguait des autres, et c'est ce qu'il demande depuis le début: être comme les autres, parmi eux, exceptionnel pour le sport, pas pour «ça».

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Sur ses bras, deux tatouages: la date de naissance et la date de la mort de sa mère. Il avait 15 ans.

C'est elle qui a consigné par écrit les raisons pour lesquelles elle a décidé de le faire amputer au-dessous du genou plutôt qu'au-dessus, quand il avait 11 mois. Comme il était né sans péronés, certains médecins suggéraient de l'amputer plus haut, pour éviter les dangers de gangrène.

C'est elle, surtout, qui lui disait que les vrais perdants sont ceux qui refusent de jouer.

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«J'ai tellement de gens à remercier...» On sentait qu'il était vidé, moins par la course médiocre (9e sur 9) que par cette semaine d'explications.

Semaine complètement folle.

Mardi, l'équipe de relais sud-africaine avait été disqualifiée en la demi-finale. Pistorius, troisième relayeur, attendait le témoin... Il n'est jamais venu. Le deuxième s'était arrêté après avoir été gêné par un Kényan. Fini les Jeux. Mais le Kenya a reconnu sa faute et en appel, l'Afrique du Sud a obtenu son ticket.

«Willem était déjà rendu à l'aéroport, on l'a rappelé juste à temps!»

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Participe, participe pas, ce n'était que la continuation de toute sa carrière d'athlète.

En 2008, un tribunal lui interdit les JO sur la foi d'une expertise qui lui trouve un avantage. Décision cassée la même année sur la foi d'autres expertises.

Il rate la qualification pour Pékin. On croit l'affaire rangée parmi les anecdotes. Il se qualifie pour les championnats du monde en 2011. Il est de l'équipe de relais 4X400: ils se qualifient pour la finale. Mais on lui préfère un remplaçant. L'Afrique du Sud gagne l'argent! Il a droit à une médaille, même s'il n'a pas couru la finale.

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Demandez aux coureurs de 400 m: ils n'ont que de bons mots pour Pistorius. Remarquable, inspirant, mettez-en.

Mais cette semaine, on a demandé au champion olympique du 400 m, Kirani James, ce qu'il dirait le jour où Pistorius serait champion du monde.

«Ah ça, c'est une autre histoire...»

Pistorius est un coureur de 400 m très ordinaire. Personne n'a été surpris qu'il ne dépasse pas les demi-finales cette semaine.

Son meilleur temps à vie, 45,07, est le 2116e temps historique. Depuis Tokyo (1964), personne n'a fait un podium avec un temps semblable. L'or s'est gagné en 43,94 à Londres.

Il ne menace personne au sommet et comme c'est un type tout ce qu'il y a de plus affable, il n'y a aucun problème.

Dernier relayeur hier, il a même encouragé le relayeur Britannique pendant la course: «Va les chercher!»

«Je n'aurais pas pu espérer la moitié des appuis que j'ai reçus...»

Les Paralympiques dans trois semaines, et déjà il rêve à Rio. Son droit n'est plus contestable.

Un précédent? Peut-être, mais un précédent qui a bien peu de chances de se reproduire tel quel.

«Si c'est vraiment un avantage, comment se fait-il que les gens ne se fassent pas amputer?», dit-il souvent.

Et ça clôt la conversation - tant qu'il reste à distance du sommet.

Entre-temps, je me demande quel athlète a lutté davantage pour simplement participer aux Jeux olympiques.

Dibaba aux portes de la légende...

Combien faut-il de médailles pour entrer dans la légende? Tirunesh Dibaba a pris les devants du 5000 m hier avec deux tours à faire, mais elle n'a pas pu tenir. C'est celle qui a gagné l'or en 2004 qui est venue la chercher: Meseret Defar. Defar a sorti de son maillot une image de la Vierge qu'elle a embrassée et montrée au monde entier.

Dibaba, après l'or au 10 000 m une semaine plus tôt, a donc pris le bronze. En 2008, elle a réussi le doublé aux 5000 m et 10 000 m. Sans parler du bronze au 5000 m à Athènes! Vivian Cheruyot, bronze au 10 000 m, a pris l'argent.

«Je savais qu'elles avaient couru vendredi. Moi, je me suis concentrée sur le 5000 m», a dit la sage gagnante.

Doublé turc lors du 1500 m féminin le plus lent depuis que la distance est aux JO (1972): Asli Cakir Alptekin (4:10) et Gamze Bulut, or-argent. L'Américaine Morgan Uceny, tombée au dernier tour, est restée prostrée sur la piste à pleurer jusqu'après l'arrivée. Lourd.

Les Canadiens se sont qualifiés pour la finale du 4X100 m, ce soir. Ils ont des chances!

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca