Des gens sont arrêtés pour des actes de vandalisme dans le métro et le saccage d'un bureau de ministre. Gabriel Nadeau-Dubois trouve que c'est la police qui crée «un climat de peur».

La cause des étudiants (255$ d'augmentation annuelle sur sept ans, pour laquelle une minorité d'associations ont déclenché une grève illimitée) permet vraiment de dire n'importe quoi.

«On ne veut pas d'un Québec où les députés se font arrêter», a dit hier la nouvelle présidente de la FECQ, Éliane Laberge.

Ah bon? Est-ce que ça inclut le libéral Tommy Tomassi?

Pour l'immunité de fonction, il y a toujours le modèle Berlusconi ou le modèle Chirac. Cute.

Moi, je veux d'un Québec où la police arrête un ex-ministre libéral, mais aussi ceux qui foutent des bombes fumigènes ou des sacs de briques dans le métro, qui saccagent les bureaux de ministres ou qui font du vandalisme pour la bonne cause. Et aussi un député qui est dûment averti de quitter un attroupement illégal et qui nargue les policiers. Même s'il a toute la générosité du monde.

Je suis plate de même, j'avoue.

J'aimerais bien, aussi, un Québec où une ministre critiquée sévèrement deux fois par le vérificateur général pour des manquements graves de son ministère soit moralement obligée de démissionner. C'est tout de même incroyable que dans les garderies comme dans les équipements sportifs (on parle de centaines de millions), les mêmes schémas déviants et partisans aient été constatés au bureau de Michelle Courchesne. Par deux vérificateurs différents. Et il ne se passe rien.

Conséquemment, devrais-je réclamer le droit inaliénable de me rendre à son bureau, d'y dévisser une ampoule et de l'écraser en mille miettes dans le tapis (ça n'a l'air de rien, mais c'est assez chiant à ramasser, ça)?

Il y a, à la place, l'opposition parlementaire, les critiques publiques, les élections, la police, même, des fois, et les tribunaux. C'est long, la foutue démocratie constitutionnelle. C'est lassant. Mais c'est encore ce qu'il y a de moins mauvais pour gouverner les êtres humains.

Mme Laberge ne veut pas non plus d'un Québec où «les jeunes se font perquisitionner chez eux, où les étudiants passent des journées entières en prison».

Les jeunes et les vieux, plus ou moins étudiants, se font perquisitionner chez eux quand la police a des motifs suffisants pour obtenir un mandat d'un juge. C'est-à-dire quand ils ont assez de bonnes raisons de penser qu'ils trouveront la preuve d'un crime.

J'ignore quelle preuve la police de Montréal a recueillie contre les jeunes arrêtés hier et ils sont bien sûr présumés innocents. Mais dites-vous bien que la police n'a pas tellement le droit à l'erreur dans une cause aussi délicate. C'est une preuve qui sera exposée publiquement un jour. Elle pourra être contestée. Un juge se prononcera.

En attendant d'en juger, qui veut d'un Québec où le sentiment de défendre une cause juste vous immuniserait contre les fouilles policières, les arrestations et les poursuites?

Pas moi.

S'il y a une «criminalisation» du conflit, c'est que des actes criminels ont été commis au nom de la cause, ou avec la cause comme prétexte. Pas parce que nous vivons dans un État policier.

Combien de manifs «illégales» ont eu lieu librement, tant qu'il n'y avait pas d'infraction? À Montréal, en vérité, on n'a même pas appliqué la loi spéciale (78).

Amir Khadir s'est fait arrêter mardi pour avoir bloqué la circulation avec d'autres à Québec. Dûment averti, il est resté dans la rue. Il voulait faire de la désobéissance civile contre la loi d'exception. Il a été arrêté en vertu du Code de la sécurité routière. Il a reçu une vulgaire contravention. Ça fait chenu.

Parlons-en, de la loi spéciale. J'ai dit ici que c'est une mauvaise loi. On l'a décriée dans toutes sortes de manifestations. Parfait. Mais quelle manifestation a été empêchée en vertu de cette loi? On cherche.

Mauvaise loi, mais on se couvre de ridicule quand on prétend que le Québec «goûte à la médecine de Poutine», comme deux politologues de l'UdeM l'ont fait dans le New York Times. Une p'tite shot de polonium 210 avec ça?

C'est une loi qui a été critiquée à l'Assemblée nationale, dans les médias et sur la place publique. Elle est présentement contestée devant les tribunaux. Des élections auront lieu probablement en septembre, ce qui pourrait abréger la vie de cette loi temporaire.

Bref, les mécanismes relativement sains d'un État de droit sont à l'oeuvre pour s'opposer à cette loi sans qu'il soit nécessaire de devenir un martyre ou d'invoquer la mémoire de gens qui luttaient pacifiquement contre des assassins, contre l'armée britannique en Inde ou ceux qui pendaient les Noirs ou exécutaient les militants des droits civils aux États-Unis.

Un peu de sens des proportions et de respect de l'histoire ne nuirait pas, en ces temps d'exaspération et d'enflure verbale.

Mais ne rêvons pas. Tous les partis politiques veulent détourner ce conflit à leur avantage. Ça aussi, c'est la démocratie.