La première chose à dire à propos de cette décision est sans doute ce qu'elle n'est pas.

La Commission d'examen des troubles mentaux n'est pas là pour «réparer» le verdict du jury concernant Guy Turcotte. Elle n'a pas le droit d'emprisonner l'ex-médecin dans un hôpital psychiatrique parce qu'elle n'aime pas le verdict de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux rendu l'an dernier.

La seule question qui lui est soumise est la suivante: est-ce que cet homme interné représente aujourd'hui «un risque important pour la sécurité du public»?

Ce n'est pas un test de morale. La question n'est pas: est-il juste qu'un homme qui a tué à coups de couteau ses enfants de 3 et 5 ans soit libre trois ans plus tard? Ce n'est pas son job.

Il y a eu un procès devant jury. Le jury a conclu à la non-responsabilité pour cause de folie passagère, pour utiliser des termes non scientifiques. Les gens ainsi jugés ne sont pas libérés; ils sont envoyés dans un institut psychiatrique - généralement Pinel. Et leur cas est évalué périodiquement. Selon leur dangerosité.

Et ce qu'a dit en substance la Commission hier, après cette première évaluation, c'est que Guy Turcotte est encore dangereux.

Pas au point d'être détenu 24 heures sur 24. Mais suffisamment pour devoir coucher à Pinel chaque soir. Tout en obtenant des permissions de sortie supervisées progressives.

***

Il y a 20 ans, un juge de Québec avait été arrêté pour un petit vol à l'étalage dans une pharmacie.

Il a plaidé un état de confusion passager et fut éventuellement déclaré non responsable pour cause de troubles mentaux. L'affaire étant réglée, il a pensé réintégrer ses fonctions. Eh, il était guéri!

Son juge en chef lui a expliqué qu'on verrait mal un homme ayant plaidé la folie passagère venir siéger le lendemain de son acquittement. Il a sagement pris sa retraite.

On ne peut pas tout avoir.

Aussi, l'empressement de Guy Turcotte à reprendre sa «vie normale» comme si de rien n'était a quelque chose d'indécent. Et de terriblement malhabile.

Il n'a pas de maladie psychiatrique - ni idées délirantes ni perte de contrôle avec la réalité. Mais il plaidait il y a tout juste un an qu'un stress extrême l'avait mené à l'abîme, à une tentative de suicide et à l'homicide de ses enfants.

Et quelques mois plus tard, sans qu'il ait suivi de véritable thérapie, une psychiatre vient dire à la Commission qu'il peut être mis en liberté sans la moindre supervision!

Tenter de faire avaler ça à une commission six mois après un verdict qui a ébranlé tout le Québec, c'est un peu fort de café. C'est envoyer le message d'une guérison miraculeuse... ou d'un verdict fondé sur une théorie psychiatrique fumeuse.

Heureusement, la Commission a rejeté cette idée. Turcotte, pourtant, se voyait recommencer sa vie à zéro. Il voulait recommencer à exercer la médecine - il a démissionné du Collège des médecins en 2009 - et, pourquoi pas, fonder une famille.

Et pourtant, la Cour d'appel ne s'est pas encore prononcée sur son cas. Il se pourrait qu'il doive avoir un nouveau procès. Est-ce bien le temps d'aller dire qu'il fera table rase, et qu'il peut sortir dans la rue?

La Commission vient de lui dire ce qu'on aurait dû lui faire comprendre avant: il ne faut pas brûler les étapes.

Cet homme promet qu'il entreprendra une thérapie... mais une fois sorti. Pas très convaincant. Il «demeure fragile», dit la Commission. Il n'a pas encore les habiletés pour faire face à de grands stress, et Dieu sait s'il y en aura quand il sera libéré - à commencer par le regard du public.

S'il y a rechute, on peut craindre un geste criminel, estime avec prudence la Commission.

Cela dit, il n'est pas déraisonnable de lui permettre des sorties encadrées de plus en plus longues, jusqu'à sa prochaine audition (en décembre), y compris avec possibilité de coucher à l'extérieur. Histoire de voir son évolution.

Au total, c'est une décision raisonnable. Elle nous dit qu'il n'est pas prêt à sortir sans supervision. Elle ne satisfera pas la majorité des gens, qui attendent une réparation du verdict impopulaire de 2011.

Cela, la Commission ne pouvait et ne devait pas le faire. C'est une décision médicale qu'elle devait rendre.

Pour le droit, il faudra attendre la Cour d'appel.