Comme tous les vendredis matin, Nathalie Collard était attablée à la cafétéria de La Presse, pour confesser son invité de la semaine. C'était François Rebello.

Je reviens pour un autre café une demi-heure plus tard, ils sont toujours là. Troisième visite, Rebello est encore là qui cause, qui cause...

Si on le laisse faire, il va fermer l'endroit! Ça fait longuet pour répondre à 10 questions plus une...

Manifestement, ce garçon sent le besoin d'ensevelir son malaise sous des piles et des piles de phrases.

Mais plus il s'explique, plus il se complique.

Il a commencé en disant que son départ était un pas vers la souveraineté, il a aussi dit qu'il se joignait à François Legault pour l'environnement...

Et quand Nathalie Collard lui a demandé: «Pourquoi n'avez-vous pas simplement dit: «Legault est mon homme, je me joins à lui» plutôt que de parler d'environnement et de souveraineté pour justifier votre geste?», il a trouvé une troisième raison: le développement économique.

«Ce n'est pas seulement parce que c'est mon homme, mais parce que je sais qu'il est capable de propulser des entreprises sur le plan international, ce qui, à mon avis, est une priorité pour que le Québec retrouve confiance.»

La semaine prochaine, ce sera sans doute pour l'agriculture.

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Comprenons-nous bien. Je reconnais pleinement le droit d'un député de changer de parti. Soit parce qu'il a changé d'idées. Soit parce qu'il a un désaccord fondamental. Je ne vois pas comment on pourrait le leur interdire formellement.

Mais toutes les vestes retournées n'ont pas la même valeur. Quand Lucien Bouchard quitte un poste de ministre pour siéger comme indépendant et ensuite fonder un parti, il ne choisit pas la facilité. C'est plus impressionnant qu'une Lise Saint-Denis, élue depuis sept mois députée NPD, qui nous dit qu'elle «réfléchit depuis six mois» à devenir libérale...

Laissons cette pauvre dame, dont on n'entendra plus jamais parler, sauf si elle est l'unique survivante d'un incendie du parlement.

Revenons au cas Rebello.

Le problème n'est pas qu'il «abandonne l'option». C'est qu'il essaie de nous faire croire qu'il ne l'abandonne pas. Le problème n'est pas qu'il déménage. C'est qu'il prétend rester à la maison pendant qu'il remplit le camion de déménagement.

Le problème n'est même pas le très évident opportunisme qui l'anime; les politiciens ont le droit de jouer pour gagner. Témoin, Denis Coderre, opportuniste assumé.

C'est sa prétention à déguiser son passage à la CAQ en décision de principe qui est ridicule.

«Je suis un homme de conviction et cette conviction, c'est la souveraineté, pas le Parti québécois», dit-il.

Ah oui? Si sa «conviction» est la souveraineté, que diable va-t-il faire dans un parti qui ne la propose pas? Parce qu'il préfère gagner sans défendre la souveraineté plutôt que de perdre en la défendant. C'est une vague opinion, donc, pas une conviction. Ce n'est pas le moteur de son engagement.

L'environnement? Oh, il en sera sûrement le champion à la CAQ. Mais il n'est pas allé là «pour faire un Québec vert». Il n'y a pas tellement de doute que la CAQ sera moins écolo que le PQ.

Je répète que je ne lui reproche pas de vouloir gagner ou d'avoir abandonné quoi que ce soit, ni même de faire des compromis pour prendre le pouvoir et «changer des choses».

Il y a un courage, même, à assumer ses changements d'idées et à les défendre sur la place publique. S'arracher d'une famille politique, comme l'ont fait Pierre Curzi ou Louise Beaudoin, cela demande également du cran.

Mais voir Rebello dire une chose avec ses phrases et une autre avec ses pieds nous donne une idée de l'envergure de ses convictions.

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François Legault n'a pas fait plaisir aux péquistes en abandonnant le projet d'indépendance. Mais il l'a fait en partant de zéro, sans tromper personne, et sans prétendre faire autre chose que de proposer cela: abandonner l'option indépendantiste. Pour déployer l'énergie politique au Québec autour d'autre chose que le statut constitutionnel. Changer le coeur du débat.

Il entretient plus de flou depuis quelques semaines, on comprend pourquoi. Mais enfin, il fera une proposition sur quelques sujets déjà annoncés, on votera ou pas pour lui.

Rebello est comme plusieurs de ces politiciens professionnels qui sont tombés dedans tout petits. Il a ses idées, bien sûr. Mais c'est surtout un junkie du jeu politique.

Il a l'air tout excité d'avoir serré la main de Mitt Romney, leader des candidats républicains. Il dit même que Romney est le «Legault du Parti républicain». C'est en effet comme lui un homme d'affaires devenu politicien. Mais à part ça? A-t-il regardé un peu ce que défend Romney? Pro-vie, pour l'augmentation des budgets militaires, contre les soins de santé publics...

Quelle idée d'aller comparer ces deux-là? A-t-il des idées politiques un peu conséquentes? Ou est-il plutôt exactement cette sorte de politiciens vieille école dont la CAQ nous dit qu'elle ne veut plus?

Faudrait pas faire du vieux avec du neuf.