À première vue, ces accusations contre Tony Tomassi n'ont rien à voir. Rien à voir avec ce dont on parle depuis trois ans: collusion, obtention de gros contrats dans la construction, etc.

Mais en fait, c'est en plus petit exactement ce qu'on reproche au gouvernement de Jean Charest: l'influence de l'argent.

Si son père, Donato Tomassi, n'avait pas été un organisateur et financier local important, est-ce que Tony Tomassi serait même devenu député?

L'homme de 40 ans a commencé deux fois un bac en sciences politiques, à l'Université de Montréal puis à l'UQAM, sans obtenir de diplôme. (René Lévesque non plus n'a pas obtenu son bac, remarquez bien, mais c'était René Lévesque). Il a travaillé dans des cabinets politiques quelques années. Il a été candidat poteau pour les conservateurs à 22 ans dans Saint-Léonard. Il a travaillé pour l'entreprise de construction de la famille quelques années, jusqu'à ce qu'il se fasse élire dans une circonscription sûre pour les libéraux, en 2003.

Et en 2008, le voici ministre de la Famille. Une tâche pour laquelle il n'avait ni la préparation ni la moralité, comme la suite des événements l'a démontré.

C'est tout de même une blague que d'avoir invité Tony Tomassi au Conseil des ministres.

Ce que nous dit la Sûreté du Québec aujourd'hui, c'est que cet homme a abusé de ses fonctions. On ne connaît pas tous les détails encore, mais on sait qu'il utilisait une carte de crédit de station-service appartenant à une entreprise de sécurité - le Bureau canadien d'investigation et d'ajustements (BCIA).

Que fait un député avec une carte de crédit d'entreprise quand ses dépenses de transport sont payées par l'Assemblée nationale?

Étrange.

Plus étrange encore quand on sait que cette entreprise, BCIA, était présidée par Luigi Coretti, individu ayant fait deux fois faillite avant la débâcle de BCIA en 2010.

En principe, c'est comme député que Tony Tomassi a profité de cette carte.

Mais une accusation déposée hier lui reproche des actes d'abus de confiance qui s'étalent de 2006 à 2010. Cela couvre donc la période où le député de LaFontaine était ministre. Une période où on lui a reproché d'utiliser son influence pour obtenir des permis de garderie et des places à divers contacts.

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On n'est pas ici devant une affaire criminelle de grande envergure. Cela, si c'est prouvé, ressemble à la dizaine d'affaires minables qui ont envoyé des députés conservateurs du Québec (et un ministre, acquitté) du temps de Brian Mulroney devant les tribunaux pour fraude, entre 1984 et 1993.

C'est-à-dire quelqu'un qui tente de profiter de sa position au gouvernement pour obtenir de l'argent. En promettant d'intervenir pour obtenir une subvention, par exemple, moyennant contrepartie.

À moins que ce ne soit le contraire: un homme politique suffisamment insignifiant qu'on «place là» pour obtenir des choses. Ça ne serait pas la première fois qu'on voit ça.

C'est donc à la fois une affaire relativement petite, par les sommes en jeu et les décisions prises.

Et en même temps une affaire très sérieuse, parce qu'elle montre l'influence de l'organisation et des collecteurs d'argent non seulement dans le choix des candidats, mais jusque dans le choix des ministres. Jean Charest n'avait pas d'affaire à nommer Tony Tomassi au Cabinet. Il n'avait tout simplement pas ce qu'il faut.

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Le procès, s'il y en a un, ne nous apprendra rien sur un des sujets de l'heure - l'octroi de contrats au ministère des Transports, par exemple.

Mais ces accusations appellent d'autres questions. Tomassi a-t-il vraiment «vendu» son influence? S'est-il vanté d'en avoir, mais sans obtenir de résultats (ce fut le cas du sénateur conservateur Michel Cogger, condamné même si ses démarches n'avaient pas réussi)? Que lui demandait-on? En échange de quoi? Celui qui achète de l'influence est aussi coupable. On ne peut pas en vendre dans l'air, de l'influence...

Des questions qui visent plusieurs personnes qui ne sont pas encore accusées, donc.

Mais des questions qui tournent autour de l'origine de ce crime, au fond: l'argent pour financer le Parti libéral.