Curieux, tout de même.

Chaque semaine, 10 personnes meurent dans un accident de la route au Québec. C'est à peine si on s'en soucie. Et personne ne semble avoir peur de prendre le volant pour autant.

Un jeune homme meurt à la fin d'un demi-marathon... et on entend partout des gens s'inquiéter des risques de l'activité physique.

Les causes de cette mort traumatisante ne sont pas encore connues.

Mais des dizaines de milliers de coureurs et d'autres sportifs du dimanche ou de la semaine se posent la même question: «Est-ce que ça peut m'arriver?»

Question pertinente. Mais c'est un peu renverser le problème.

On se concentre sur le risque minuscule d'accident cardiaque pour ceux qui s'entraînent «trop». On devrait s'inquiéter de tous les risques invisibles que courent ceux qui ne s'entraînent pas du tout.

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Le Dr Martin Juneau est directeur de la prévention à l'Institut de cardiologie de Montréal et une autorité internationale dans le domaine.

Cet été, il signait un éditorial dans The Lancet, revue médicale britannique, sur les bienfaits de l'exercice.

Il commentait la plus vaste étude jamais réalisée sur la question. Les chercheurs taïwanais, qui ont suivi 500 000 personnes, en viennent à la conclusion qu'aussi peu que 15 minutes par jour d'exercice modéré (même de la marche), six jours sur sept, produit des bénéfices de santé mesurables: la mortalité cardiaque diminue de 20% et toutes les causes de mortalité, incluant le cancer, de 14%.

Un peu, c'est bien, mais plus, c'est encore mieux. Plus on fait d'exercice, plus on diminue les risques de maladies diverses. Une courbe qui augmente de manière spectaculaire si l'on passe à cinq heures par semaine.

Passé cela, les gains sont plus marginaux, pour atteindre un plafond chez ceux qui font 10 heures d'exercice par semaine.

«Au-delà d'une dépense de 5000 à 6000 calories par semaine, il peut même y avoir des effets négatifs pour la santé, à cause de la fatigue; mais pas au niveau cardiaque», me dit-il.

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Ce qu'il y a de nouveau, dit le docteur Juneau, c'est qu'on montre de manière «irréfutable», pour la première fois, qu'une petite quantité d'exercice produit des résultats tangibles (combat l'inflammation, la haute pression, diminue la glycémie, etc.).

Peut-être sera-t-il plus facile d'encourager le patient et le citoyen à se lever de son fauteuil. Qu'est-ce que 15 minutes, après tout?

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Bien entendu, les risques d'accident cardiaque augmentent avec l'intensité de l'exercice.

«Le flot de sang dans les artères devient très rapide et les forces de cisaillement peuvent causer la rupture d'une plaque dans une artère. C'est ce qui va causer l'infarctus. Mais la plupart des experts sont d'avis que dans ces cas, l'accident a tout simplement été devancé de quelques jours.»

Des chercheurs ont recensé le nombre de morts lors d'un marathon aux États-Unis dans les 30 dernières années. Il y en a eu 26 sur 3,3 millions de participants. C'est généralement dû à de l'athérosclérose et l'accident survient une fois sur deux à la toute fin de la course.

Mais en mettant en perspective ces morts par rapport aux accidents de voiture, ils ont démontré que les fermetures de rue lors des marathons sauvaient des vies en limitant les déplacements...

Pour la seule année 2003, 42 643 personnes sont mortes sur les routes américaines - 12 morts par tranche de 42 km parcourus. Mais personne ne semble s'en alarmer, s'étonnent-ils.

Le risque de mourir en courant est «extrêmement faible», insiste le docteur Juneau.

Lui-même court chaque jour 30 à 40 minutes. «Je ne suis pas intéressé par les marathons, mais pas parce qu'il y a un danger pour le coeur. J'ai trop d'amis qui ont dû cesser de courir parce qu'ils ont mal aux genoux ou au dos.»

Il recommande d'ailleurs les séances d'intervalles, ces séries d'accélérations momentanées suivies de pauses. Un exercice en intensité excellent pour améliorer la capacité cardiaque et respiratoire. «Même chez les grands malades cardiaques, on a vu des résultats bénéfiques.»

Il ne conseille pas les marathons aux néophytes... mais ne les décourage pas non plus.

«Le cas typique est le gars de 48 ans dont le père a eu des problèmes cardiaques; il vient me voir et me demande s'il peut courir un marathon dans un an. Je lui dis que c'est possible s'il s'entraîne prudemment. Puis, je lui dis subtilement qu'il y a d'autres distances aussi...»

Mais si c'est ce qui le motive à grouiller, go!

Le principal problème de santé publique au Québec, après tout, demeure la sédentarité.

Ce qui n'empêche pas les sportifs d'aller se faire examiner le coeur.