Une victime qui ment à répétition. Des contacts avec des prisonniers. Des versements d'argent dans son compte de banque...

Quoi, après tout, serions-nous en face d'un authentique complot pour faire accuser faussement Dominique Strauss-Kahn?

Ce serait palpitant, j'avoue. Sauf qu'on n'en est pas là du tout.

Pour l'instant, les accusations sont toujours maintenues contre DSK. Mais le procureur a découvert trop de mensonges et de liaisons douteuses de la «victime». Devant jury, cette femme risque fort de se faire démolir. Ça sent l'abandon...

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Le problème n'est pas dans sa version des faits du 14 mai, dans la suite 2806 du Sofitel. Mais dans son passé.

D'abord, cette Guinéenne d'origine aurait raconté quelques faussetés pour obtenir l'asile aux États-Unis. Elle a dit avoir subi un viol collectif et avoir été mutilée sexuellement. Elle a dit avoir été chassée de sa maison par des soldats. Son mari serait mort en prison et elle aurait pris la fuite avec sa fille, aujourd'hui âgée de 15 ans.

Aux enquêteurs de la police de New York, elle a commencé par raconter cette version. Les enquêteurs étaient émus aux larmes, raconte une source au New York Times.

Puis, à force d'être interrogée, elle a avoué que cette histoire était fausse et qu'on la lui avait fait apprendre par coeur, au moyen d'une cassette, en 2004.

En même temps, les enquêteurs ont appris que, 28 heures après sa dénonciation de DSK, elle avait eu une conversation téléphonique avec un Guinéen détenu en Arizona pour trafic de 200 kg de marijuana. La conversation, dans une langue africaine, a été enregistrée. La traduction a été donnée la semaine dernière aux procureurs. Elle y dit notamment, selon le NYT: «Ne t'inquiète pas, ce type a beaucoup d'argent, je sais ce que je fais.»

Depuis deux ans, divers amis, dans différents États américains, ont déposé un total d'environ 100 000$ dans son compte de banque. Elle aurait caché des revenus pour conserver son droit à un HLM. Elle aurait fait semblant d'être la mère d'un autre enfant. Elle a caché aux policiers ses dépenses de centaines de dollars en téléphones cellulaires...

Bref, ce témoin n'est guère présentable. Un procureur ne peut pas sérieusement amener cette femme devant la Cour pour faire condamner quelqu'un de crimes aussi sérieux.

Bien sûr, elle ne serait pas la première personne à mentir pour obtenir l'asile. Bien sûr, elle peut avoir de mauvais compagnons et avoir été victime de viol. Elle a peut-être servi de couverture à des trafiquants en prêtant son compte de banque - allez savoir. Elle ne serait pas non plus la première à frauder l'aide sociale. Le problème, c'est qu'elle a menti aux enquêteurs sur tout cela.

Son nouvel avocat insiste pour dire que, dans cette conversation avec le détenu, elle raconte la même version qu'à la police sur les événements avec DSK et ne laisse absolument pas entendre que c'est une fausse accusation. (Le premier avocat de la plaignante s'est retiré sans donner d'explications... On devine pourquoi.)

Mais ce serait demander beaucoup à un jury de condamner un homme en s'appuyant sur ce genre de témoin. On entend d'ici la plaidoirie: cette femme a déjà inventé une histoire de viol, elle a menti aux enquêteurs, elle espère de l'argent, elle est prête à tout, etc.

Il n'y a pas de doute sur le fait qu'il y a eu une relation sexuelle dans cette chambre d'hôtel. Mais si ces révélations sont exactes, qui n'aurait pas un doute raisonnable sur le consentement de cette femme?

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On accuse maintenant le bureau du procureur de New York d'avoir précipité les choses. Sans doute. Mais il y avait un suspect sur le point de fuir le pays, une femme de ménage traumatisée (en apparence), du sperme sur le mur de la chambre...

Admettons que les circonstances se prêtaient à un traitement précipité.

Si l'enquête avait été faite normalement, on aurait sans doute découvert le passé trouble de la plaignante et jugé que les perspectives de condamnation étaient minces. On nous dit d'ailleurs que le bureau des procureurs s'est déchiré là-dessus.

En même temps, comme le dit un professeur de technique policière, DSK n'a été traité que comme un grand nombre de bums ordinaires aux États-Unis: «Punissez d'abord, trouvez ce qui s'est passé ensuite.»

Il n'en reste pas moins que c'est la poursuite qui a communiqué tous ces faits troublants à la défense et à la Cour, comme c'était son devoir. S'il y a eu précipitation, il n'y aura apparemment pas acharnement...

Tout cela constitue un ratage qui pourrait coûter son poste au procureur-chef Cyrus Vance fils, lui qui a remplacé une institution du droit criminel américain, Robert Morgenthau.

Les procureurs espèrent encore s'en sortir avec une condamnation pour délit mineur... Ce qui paraît bien douteux.

Mais tout ça ne fait pas un complot pour autant.

Pas encore...