Finalement, il n'est plus invité.

L'ambassadeur de la Syrie à Londres se dit «embarrassé» que le Foreign Office lui ait retiré son invitation.

Entre deux embarras, il a fallu choisir le moindre. Le président syrien pouvant faire face à des accusations de crime contre l'humanité, la semaine était mal choisie pour inviter son représentant à partager l'allégresse nationale.

Tout n'est pas perdu pour les tyrans, puisque le dernier monarque absolu de la planète, Mswati III, qui règne sur 1,5 million de sujets au Swaziland, sera là.

Mswati III, piètre démocrate, est en revanche un fameux expert en mariage. Il a 13 épouses et chaque année, il en épouse une nouvelle parmi une cohorte de jeunes vierges lors d'un bal.

Le prince de Bahreïn, lui, a décliné l'invitation, étant retenu à la maison pour écraser quelques contestataires.

On attend néanmoins le prince d'Arabie Saoudite et une poignée de sultans représenteront dignement le despotisme contemporain.

«Mind the gap»

C'est une question de protocole, dit le porte-parole de la reine. Inviter n'est pas approuver. Tous les pays qui ont des relations diplomatiques normales avec le Royaume-Uni sont invités.

Ce qui fait rager les travaillistes, c'est que Margaret Thatcher et John Major, deux ex-premiers ministres conservateurs, sont sur la liste, mais pas Tony Blair ni Gordon Brown, les deux derniers premiers ministres.

Rien à voir avec la politique, rétorque Buckingham Palace : ces deux derniers ne sont pas chevaliers de l'Ordre de la jarretiere, contrairement à la baronne Thatcher et à sir Major.

Explication parfaitement logique du point de vue aristocratique : cet ordre est le pinacle de la noblesse.

Mais totalement déconnectée de la réalité politique du siècle.

Comme on dit dans le métro ici pour éviter que les passagers ne tombent dans le trou considérable qui sépare souvent les voitures des quais: «Mind the gap» -attention à l'écart avec la réalité du jour.

«C'est à la limite du grotesque», a dit un député travailliste hier.La liste est connue depuis dimanche et les médias réagissent en moyenne avec retenue.

Le coeur doit être à la fête, non? Et à voir s'entasser les tentes dans certains parcs et aux abords de l'abbaye, à voir les drapeaux sortir, les annonces de la Ville de Londres incitant les gens à porter un chapeau et à le lancer au passage des mariés, à voir les invitations pour les fêtes de rue ici et là, la fête aura bien lieu, on vous le confirme...

La liste secrète

Une autre liste, secrète celle-là, fait jaser bien davantage cette semaine.

C'est celle d'une trentaine d'hommes célèbres ou puissants qui ont obtenu un jugement pour éviter que des médias à potins les éclaboussent avec un scandale sexuel.

Débat typiquement britannique, puisque la presse à scandale ici se régale depuis longtemps des infidélités des politiciens et des joueurs de foot.

Mais il prend une tournure politique singulière. C'est en vertu des dispositions européennes sur le respect de la vie privée, nouvellement applicables ici, que ces personnalités ont obtenu un ordre de la Cour pour empêcher un média de parler de leur histoire.

S'ajoute à ces «injonctions» une innovation juridique: la «super-injonction». Elle interdit aux médias de même révéler que ces personnes ont obtenu une injonction pour les empêcher de parler d'on ne sait quoi...

Et voilà qu'une vedette du journalisme télévisé, Andrew Marr, de la BBC, décide lundi de dévoiler qu'il a lui-même obtenu une super-injonction pour une histoire de coeur qui remonte à huit ans.

Ayant publiquement dénoncé les décisions des tribunaux en la matière par le passé, Marr était dans une position délicate, d'autant plus que toute la presse londonienne connaissait l'histoire.

Mercredi, le sérieux Independent publie neuf silhouettes noires avec une vague description des demandeurs de super-injonction: un sportif de renommée internationale, un «top» joueur de soccer, une «personnalité publique». Ils se sont fait demander de l'argent par une ancienne maîtresse, on est sur le point de publier des photos compromettantes, ils ont eu une aventure, etc.

Les députés et ministres s'en mêlent, mais pas pour dénoncer le sensationnalisme des médias: ils en ont contre l'usurpation du pouvoir parlementaire par les juges, qui seraient en train de récrire le droit de la presse britannique... selon des normes européennes en plus.

Mardi, à la Chambre des lords, utilisant son immunité, un lord a identifié Fred Goodwin, ancien dirigeant de la Banque royale d'Écosse, comme un des demandeurs. L'effondrement catastrophique de la banque a coûté 80 milliards de dollars au Trésor britannique. Ce qu'il cache est peut-être relié à sa gestion, ce qui serait d'intérêt public, mais impossible de le savoir.

Des journalistes d'enquête disent que ces super-injonctions servent aussi à étouffer des enquêtes journalistiques autrement sérieuses.Le futurs mariés n'ont pas requis de super-injonction, mais, par contrat, les télés s'engagent à ne pas utiliser les images à des fins satiriques ou de dramatisation, ce qui a provoqué l'annulation d'une émission humoristique australienne.

Le protocole oblige à endurer aujourd'hui quelques dirigeants peu présentables, mais pas la dérision télévisuelle.