Le débat sur la prestation de Bertrand Cantat au TNM l'an prochain risque de tourner court dès qu'il rencontrera un douanier.

Comme l'explique à tous les visiteurs étrangers le site du gouvernement canadien, qui résume la Loi sur l'immigration, les personnes reconnues coupables à l'étranger d'un crime punissable au Canada par un maximum de plus de 10 ans d'emprisonnement sont interdites de territoire.

Ces gens ne peuvent obtenir une permission que cinq ans après la fin de leur peine.

Le meurtre et l'homicide involontaire sont punissables ici par l'emprisonnement à perpétuité. Aux termes de la loi lituanienne, Cantat a commis un meurtre. La peine de huit ans a été prononcée en 2004.

Bertrand Cantat, donc, est interdit de territoire ici et n'aura droit à une autorisation qu'en 2017.

Il peut toutefois avoir recours à un «PST», ou permis de séjour temporaire, qui est délivré de manière discrétionnaire pour des cas exceptionnels, notamment pour des motifs humanitaires.

Une personne interdite de séjour pour «grande criminalité» (c'est le cas de Cantat) doit obtenir trois lettres de recommandation, un certificat policier et fournir les raisons justifiant cette exception.

Bref, c'est loin d'être automatique. Toutefois, d'autres artistes avec des antécédents judiciaires ont obtenu par le passé ce type de permis, notamment des rappeurs.

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Voilà pour le droit de séjourner.

Mais autrement, aurait-il «le droit» de participer à une pièce au TNM?

Évidemment qu'il aurait «le droit». Dans la mesure où il est admis sur le territoire canadien, il a parfaitement le droit de se produire sur n'importe quelle scène.

Un artiste n'est pas un salarié. On ne peut pas comparer un chanteur à un journaliste, un professeur ou un fonctionnaire. Si j'avais commis un meurtre, même après avoir purgé ma peine, je n'aurais plus cet emploi.

Et encore, pour chaque emploi, des critères différents s'appliquent. Un simple vol à l'étalage fera perdre son emploi à un policier, mais pas à un charpentier.

Un artiste n'a pas d'employeur. Il propose son art librement et le public en dispose tout aussi librement.

Il se peut que Bertrand Cantat soit «fini». Peut-être pas.

Cet hiver, Noir Désir, après une tentative de relance, a déclaré forfait. Un guitariste déclarait qu'il quittait le groupe «pour désaccords émotionnels, humains et musicaux avec Bertrand Cantat, rajoutés au sentiment d'indécence qui caractérise la situation du groupe depuis plusieurs années».

Bien des fans n'en pensent pas moins. Flotte cette profonde amertume autour du personnage et de son art, on n'y peut rien...

En ce qui me concerne, je n'écoute plus que la version de Le vent nous portera de Sophie Hunger, qui se l'est appropriée brillamment...

J'ai le droit, le public a le droit...

Comme lui a le droit de monter en scène.

Et malgré l'horreur de son crime, ou peut-être à cause de cela, il n'empêche qu'il y a aussi une grandeur dans l'idée de pardon que défendent Wajdi Mouawad et Lorraine Pintal.

Sauf que la loi étant ce qu'elle est, le débat canadien risque d'être reporté sine die faute d'artiste.

Photo: archives AP

Bertrand Cantat à Vilnius, en Lituanie, en 2004.