Avec la complicité du gouvernement canadien, la justice militaire américaine peut maintenant se vanter d'avoir condamné un enfant-soldat pour la première fois depuis 1945.

Grand jour pour la justice, n'est-ce pas?

C'est pourtant ce qu'en a dit hier le procureur en chef des commissions militaires américaines, le capitaine John Murphy.

Omar Khadr n'est pas un innocent, ni un enfant-soldat, ni même un soldat, dit le capitaine: c'est un meurtrier et un terroriste d'Al-Qaïda. La preuve: il l'a reconnu lui-même en s'avouant coupable! «Aucun de ses quatre avocats n'a soulevé d'objection. Cela met fin à un mensonge qui durait depuis très longtemps.»

En droit, l'aveu est la preuve la plus forte, a dit le militaire.

Mais quand l'aveu est extorqué après des années de détention en contravention avec les normes internationales, que les accusations contreviennent aux conventions internationales, que l'accusé n'a pas de chance raisonnable de faire valoir ses droits, que vaut cet aveu? Autant qu'une confession obtenue sous la torture.

Rien.

Honte au gouvernement canadien qui n'a jamais dénoncé ce processus et qui se distingue parmi toutes les démocraties constitutionnelles pour n'avoir jamais réclamé le rapatriement de son citoyen prisonnier à Guantánamo.

Ce plaidoyer est l'aboutissement cynique du déni d'une série de normes internationales dont le Canada, depuis 65 ans, a été l'un des artisans les plus respectés et les plus sérieux. A été...

Depuis quand le geste de tuer à la guerre est-il un meurtre? C'est le cas si le soldat ne fait pas partie d'une armée nationale légalement constituée et s'il n'a pas d'uniforme. Les combattants d'Al-Qaïda ne remplissaient pas ces conditions, et donc le gouvernement américain les a déclarés ennemis combattants illégaux. Les guerres modernes ne se passent plus selon les vieux schémas, mais c'est ainsi que sont rédigées les conventions internationales. Léger problème juridique: les agents de la CIA participaient parfois à des opérations militaires mortelles sans porter l'uniforme. Il a fallu reformuler subtilement la loi pour que ce ne soit pas des meurtres.

N'étant pas un soldat à proprement parler, le combattant d'Al-Qaïda qui lance une grenade et tue un militaire américain (ce dont était accusé Khadr) viole le droit de la guerre et commet tout bonnement un meurtre.

Khadr a également posé des mines pour Al-Qaïda. Songeons que plus de 1000 soldats américains sont morts dans les combats en Afghanistan et que Khadr est le seul à avoir été accusé de meurtre.

Admettons cette théorie un instant. Quel que soit son statut aux yeux du nouveau droit militaire américain, Khadr avait 15 ans en 2002, quand il a été capturé, à moitié mort. Il avait été embrigadé par un père fanatique, membre en bonne et due forme du réseau terroriste. Il répond à toutes les conditions de l'enfant-soldat. Il est lui-même victime des crimes de son père fondamentaliste.

Et s'il n'est pas un enfant-soldat, il est un délinquant juvénile! Dans tous les pays démocratiques, un régime de droit particulier s'applique aux mineurs. Le traiter comme un adulte, en soi, est un déni de justice. Faire peser sur sa tête la menace d'une peine d'emprisonnement à vie n'est rien d'autre qu'une extorsion d'aveux.

Khadr a contesté la légalité des accusations et la recevabilité de ses aveux, obtenus sous de la torture. Un premier juge militaire lui a donné raison mais, en appel, il a échoué. Tout était maintenant programmé pour une probable condamnation.

Entre deux injustices, Omar Khadr a donc choisi la moindre. Cette reconnaissance de culpabilité, loin de prouver le bon droit américain, en est la condamnation par l'absurde.

Il n'y a dans son aveu de culpabilité aucune autre admission que celle de son désespoir.