Les conservateurs ne passent pas une semaine sans répéter qu'ils placent «les victimes avant les criminels». Chaque mesure touchant de près ou de loin à la sécurité publique est prise au nom de la protection des victimes.

Et franchement, ça semble fonctionner à merveille. Les partis de l'opposition à Ottawa sont de plus en timides dans leurs critiques, comme s'ils avaient peur d'être en déficit de sympathie pour les victimes d'actes criminels.

Depuis quand faut-il choisir un camp? Pourquoi serait-on incapable de protéger les victimes et de tenter de réhabiliter intelligemment les détenus?

Le nouveau sénateur Pierre-Hugues Boisvenu a utilisé la tactique à la première occasion, quand Gilles Duceppe a soulevé des questions fort légitimes sur la réforme du «pardon». «Nous, on pense aux victimes d'abord; le Bloc, lui, s'inquiète des criminels!» Il n'y a pas de limite, un coup parti. On pourrait les priver de soins de santé puisqu'on est du côté des victimes, non?

La semaine dernière, les conservateurs ont déposé un projet de loi pour faire en sorte que les prisonniers soient privés de leur pension de vieillesse pendant leur incarcération s'ils purgent une peine de 90 jours ou plus.

Réaction des partis de l'opposition? Ils sont tous «pour». En fait, ils sont pour dans les termes présentés le lundi 31 mai par la ministre Diane Finley - évidemment accompagnée du ministre officieux de la Sécurité publique pour le Québec, M. Boisvenu.

Voici comment on a posé le problème: peut-on accepter qu'un meurtrier en série comme Clifford Olson, qui a tué 11 enfants, reçoive une pension de vieillesse? Un journal a en effet révélé ce printemps que l'assassin recevait un chèque mensuel de plus de 1000$.

Déjà que la GRC lui a versé 100 000$ lors de son arrestation, en 1980, pour qu'il révèle l'emplacement des corps des victimes - 10 000$ par enfant, avait-on dit... On n'a pas besoin d'en rajouter pour achever d'écoeurer le contribuable.

Mais les 1000 prisonniers canadiens de plus de 65 ans (400 au fédéral) ne sont pas tous des meurtriers en série. Il est vrai qu'ils sont nourris, logés, mais certains peuvent être emprisonnés pour un, deux ou trois ans et être des soutiens de famille. On n'aidera aucune victime en privant cette famille d'un minimum. Ça vaut au moins la peine de soulever la question. Les pensions de vieillesse sont un programme universel, comme l'assurance maladie. Le gouvernement fédéral prévoit récupérer 2 millions par cette mesure et, si les provinces l'imitent, ces économies iraient potentiellement à 10 millions.

Les libéraux ont tout de même noté que, pendant ce temps, le gouvernement fédéral diminue les fonds qu'il verse aux groupes d'aide aux victimes.

Au-delà du cas particulier, on constate une sorte d'embarras grandissant de l'opposition à affronter le gouvernement conservateur sur ces délicates questions.

En ce sens, Pierre-Hugues Boisvenu, ancien président d'un groupe de pression et d'aide aux familles des personnes assassinées ou disparues, est sans doute la meilleure recrue québécoise de ce gouvernement. Le symbole même du parti pris de ce gouvernement pour les victimes.

C'est aussi l'affirmation de cette stratégie racoleuse et efficace, qu'on pourrait appeler le «plan Boisvenu».

Les contradicteurs ont l'air de chercher de plus en plus péniblement les stratégies pour défendre les simples principes de réhabilitation et d'équilibre sans avoir l'air d'être «pour les criminels d'abord».

Oliphantet l'éthique

On n'a pas parlé longtemps de la commission Oliphant, et pour cause. Après une enquête policière de huit ans sur l'affaire Mulroney-Schreiber, et cette commission, et tout le temps passé sans qu'une preuve d'acte criminel ressorte, «on a le droit de passer à autre chose», a dit le procureur chef Richard Wolson, à qui on suggérait de nouveaux recours.

Il reste à M. Mulroney à s'expliquer mais, après toutes les occasions ratées, n'y comptons pas. Fin de l'épisode.

On notera surtout qu'il n'a à peu près pas été question des recommandations du commissaire Oliphant dans les médias. Non pas qu'elles ne soient pas utiles ou même pertinentes. Modifier la Loi sur les conflits d'intérêts, mieux encadrer l'après-mandat des politiciens, former les titulaires de charges publiques à l'éthique, bon, O.K.

Mais à la fin de tout cela, a-t-on réellement besoin d'une loi, d'un code, d'un guide ou d'un cours pour apprendre aux gestionnaires publics à ne pas accepter d'enveloppes d'argent comptant d'un lobbyiste dans une chambre d'hôtel?

Si oui, on est peut-être plus mal pris qu'on pense...