J'ai eu deux chances. La première, c'est d'avoir été arrêté pour excès de vitesse à 25 ans, tard le soir dans un village des Laurentides. J'avais bu une bouteille de vin avec ma blonde au restaurant, un apéro aussi avant, probablement.

Le souper avait duré quelques heures et je me sentais très à l'aise de conduire. Mais quand le policier s'est approché de moi pour me demander mon permis, j'ai vu qu'il humait «une haleine de boisson», comme ils disent à la cour.

 

Avez-vous bu? Heu... oui, quelques verres de vin. Sortez de votre véhicule, s'il vous plaît.

Je sors, Je m'accote nonchalamment sur le toit de la voiture.

«Vous n'êtes pas capable de vous tenir debout?»

Mais oui, mais oui! Il me fait marcher sur une ligne droite. Les tests «symptomatiques». Il me fait entrer dans la voiture de police. Merde...

Êtes-vous déjà entré à l'arrière d'une voiture de police? Y a pas de poignée pour ouvrir la porte...

Il me passe une sorte de gazou par le trou de la paroi de plastique qui nous sépare. «Soufflez assez fort...»

Tu ne te sens pas très gros, tu n'es plus sûr de rien, ni du passé, ni de l'avenir. Ça y est, je suis foutu... Je souffle. Il lit le résultat: 0,05. Il me dit que c'est correct mais qu'on peut avoir les facultés affaiblies même sous la limite de 0,08, soyez prudent, bonne route, etc. Je n'ai jamais été aussi content d'avoir une contravention.

D'un côté, ça voulait dire que, en buvant lentement, je pouvais enfiler une demi-bouteille de vin - et plus - et conduire légalement. Mais j'ai surtout retenu l'autre bout de l'enseignement: je ne me retrouverai plus jamais assis à l'arrière d'une voiture de police.

L'autre chance, c'est qu'à l'époque, et pendant 10 ans, j'ai traîné mes savates dans les couloirs du palais de justice comme chroniqueur judiciaire. Disons que ça aide à ne pas prendre de risque, que de voir chaque semaine des gens accusés, des gens blessés, des familles de gens tués, toutes ces vies abîmées et détruites «par accident».

Je ne conduirais jamais après un dîner arrosé d'une demi-bouteille et d'une grosse bière comme dans cette vidéo, même si j'arrive largement sous les 0,08. Pas à cause de la future loi. Pas à cause de ce test non plus: le parcours simulé à 0,05 était sinueux, en montagne, avec du brouillard. Un peu arrangé avec le gars du CAA... Je me serais planté même sans une goutte d'alcool! Pas sûr que d'en faire une loi améliorerait le bilan routier, mais le 0,05, je me l'impose.

Simplement, au-delà de deux consommations, je sens que mes réflexes ne sont pas aussi bons et je commence à me demander: je suis à 0,04 ou 0,06 ou 0,09? Me poser la question, c'est y répondre. Je n'ai même pas l'idée de conduire. Pas le goût de revoir en gros plan le gazou que me passe le policier par la lucarne, dans la nuit éclairée de rouge et de bleu...