Il n'y a rien de nouveau, rien de révolutionnaire, surtout rien de mal dans le verdict de culpabilité rendu hier contre un joueur de la LHJMQ. Rien pour remettre en question la nature du hockey, quoi qu'en dise l'avocat de ce jeune homme.

Simplement le rappel salutaire de quelques règles élémentaires que des gens de hockey oublient périodiquement.

Personne n'a jamais dit que le Code criminel cesse de s'appliquer sur les glaces de hockey. On tolère un niveau élevé de rudesse, évidemment, puisque c'est un sport de contacts. Chaque joueur accepte un degré raisonnable de risques. Mais jamais les gestes intentionnels de violence unilatérale.

 

Il y a de nombreux précédents devant la cour criminelle, y compris de joueurs de la Ligue nationale, de Donald Brashear (coup de bâton sur la tête) à Todd Bertuzzi (agression par derrière).

Un coup de bâton dans le visage, cela n'a jamais fait partie du hockey, et c'est une agression armée dans la rue Sainte-Catherine comme à l'aréna. L'étonnant serait de s'en étonner.

Merci Jonathan

Évidemment, la ligue junior n'aime pas «l'image» que projette cette affaire, qui se conclut trois semaines avant le procès à Chicoutimi de Jonathan Roy, accusé de voies de fait aux dépens du gardien Bobby Nadeau.

Et pourtant, on prouvera un jour que ces deux affaires ont été extrêmement utiles pour faire évoluer ce qu'on appelle «la culture» du hockey junior.

En une seule saison, le nombre de bagarres a diminué de 75% dans le hockey junior québécois, selon les statistiques de la LHJMQ.

Pourquoi? Parce qu'elle a eu l'air très, très fou après la bagarre générale de mars 2008, où Jonathan Roy et son père se sont illustrés comme vous savez. C'eût été amusant en 1975. C'était maintenant scandaleux. La ligue a resserré ses règlements. Pas au point d'éliminer les bagarres, mais assez pour se faire traiter de ligue de tapettes par plusieurs vétérans.

Et qu'apprend-on? L'Ontario entend imiter le Québec. Pourtant, l'an dernier, certains spécialistes nous disaient qu'en limitant les bagarres au Québec, on allait former des mauviettes et les désavantager face aux joueurs du reste du Canada.

Nouvelles règles

En même temps, comme par hasard, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a modifié ses directives en matière de violence au hockey. Une modification d'importance, passée à peu près inaperçue.

Jusque-là, une directive de 1977 disait aux procureurs de n'accuser un joueur de hockey que s'il avait causé des lésions corporelles intentionnellement.

Autrement dit, des coups qui ne résultent pas en une blessure (des voies de fait simples), sur la glace, ne devaient pas donner lieu à une accusation criminelle. On laissait faire. C'est ainsi que le Procureur général du Québec interprétait le Code criminel dans le contexte du hockey.

Or, Jonathan Roy n'a pas blessé Bobby Nadeau. Selon l'ancienne directive, il n'aurait pas dû être accusé.

Mais... le 28 juillet 2008, alors que l'enquête policière est terminée, la directive change!

Dorénavant, on demande aux procureurs de déposer des accusations de voies de fait simples dans le cas de non-consentement de la victime. Autrement dit, si deux joueurs se battent, ils consentent. Mais si un joueur va en battre un autre qui refuse le combat, il pourra être accusé de voies de fait même s'il n'y a pas de blessure.

Dans la directive de 1977, on visait à «limiter et surtout éliminer (la violence) qui est faite volontairement, sciemment et qui vise à blesser un adversaire».

Depuis un an, on ratisse plus large. On vise à «limiter et sanctionner (la violence) à l'encontre de laquelle on ne peut valablement et légalement opposer une défense de consentement».

On vient donc d'ouvrir la porte beaucoup plus largement à des accusations criminelles dans le monde du hockey.

L'avocat de Jonathan Roy a plaidé que cette modification à la directive visait spécifiquement son client et était donc abusive.

En effet, elle arrive juste à temps pour permettre de le faire accuser.

Mais le juge Valmont Beaulieu a rejeté l'argument la semaine dernière, estimant que la poursuite n'avait pas violé les droits de Roy en modifiant sa directive. Il aura donc son procès.

Quelle que soit l'issue de ce procès, on menace de nouveaux coups de pied judiciaires les adeptes de la moronnerie sportive. Dans le milieu assez conservateur du hockey, ça devrait avoir un bel effet pédagogique.

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca