Quel sort aurait connu le Québec si Montcalm avait eu le dessus sur Wolfe ? Que mangerions-nous ? Quelle langue parlerait le capitaine du Canadien ? Quelle serait l'occupation de Jean Charest ? Alors que l'on s'apprête à commémorer le 250e anniversaire de la bataille des Plaines d'Abraham, La Presse a demandé à ses chroniqueurs de refaire l'Histoire.

Si les Anglais n'avaient pas remporté la bataille des Plaines le 13 septembre 1759, ils l'auraient fait le 13 mai 1760. Ou le 9 août 1761.

 

Plate de même.

Maman-patrie nous avait largués à moitié pour d'autres affaires plus pressantes.

Cette bataille est une anecdote glorifiée, en vérité. Si les Anglais avaient perdu et si par impossible ils ne s'étaient pas réessayés, les Américains auraient bouffé la colonie.

Pour finir, si les Américains n'avaient pas envahi ou annexé la Nouvelle-France, de toute manière Napoléon l'aurait vendue aux États-Unis avec la Louisiane en 1803, bradée contre 15 millions de dollars. Il avait d'autres voisins à fouetter en Europe. La tentative catastrophique de conserver Haïti l'illustre bien : la France n'avait plus les moyens de ses ambitions coloniales.

Donc : ou bien la Conquête aurait eu lieu un autre jour, ou bien nous serions des Américains.

Si le Québec était devenu un État américain, nous n'aurions pas été tenus en infériorité politique et économique. Les Québécois auraient eu deux sénateurs au Congrès et un poids minuscule à la Chambre des représentants vu notre faible population, mais du moins ils auraient été des égaux, pas des colons dominés.

Les Québécois seraient beaucoup plus riches. L'émancipation économique des Québécois aurait été devancée d'un siècle.

Le revers de cette brillante médaille, c'est que... nous ne parlerions plus français. Pas tellement plus que les Louisianais. Pour participer aux institutions de l'Union, il aurait fallu s'angliciser rapidement. La Constitution américaine n'est pas faite pour les statuts particuliers, la préservation des langues minoritaires et autres détails qui gênent le melting-pot.

Le clergé québécois ne s'y est pas trompé en tentant d'éloigner les Canadiens français des villes et des métiers d'argent. Pour préserver la foi et la langue, gardiennes mutuelles, mieux valait se cantonner aux campagnes et faire plein de bébés.

Les Américains n'auraient pas été forcés de nous concéder des droits linguistiques et culturels, comme les Anglais l'ont fait en 1774, fragilisés qu'ils étaient. L'Union est un package deal.

Une victoire de Montcalm ne nous aurait donc pas laissés « Français « bien longtemps. Nous n'étions d'ailleurs plus des Français d'outre-mer, mais des Canadiens depuis des générations, éloignés d'une métropole indolente.

Par contre, cette victoire aurait produit ceci : nous serions un pays sans avocats. Ces « rongeurs de peuple « (1) étaient en effet bannis de la colonie, pour éviter les querelles oiseuses.

Chacun sa nostalgie.

1. J. Michel Doyon, Les avocats et le Barreau, une histoire, Barreau du Québec, 2009.