Et un jour, il n'y eut plus d'adéquistes, mais tous les autres étaient autonomistes, c'est-à-dire ni franchement fédéralistes, ni complètement souverainistes...

L'autonomisme, vous le savez, est l'art de frôler du cul deux chaises constitutionnelles à la fois sans jamais s'asseoir.Pour inconfortable qu'elle paraisse, cette position est vérité l'idéal politique dans la psyché québécoise. Et elle a finalement rallié insensiblement les libéraux et les péquistes à un point maintenant confondant.

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Quand Jean Charest a pris la tête du PLQ, il a montré un manque d'intérêt notable pour la « question nationale ». Mon pays, c'est le Canada, achalez-moi pas avec le gossage constitutionnel, disait-il en diverses formules.

Sauf qu'au fil des ans, on a fini par lui faire comprendre que le grand moteur de la politique québécoise est le nationalisme. S'il voulait durer, il lui fallait s'asseoir moins sur sa vieille chaise canadienne. Faire mine de se lever, du moins.

Il s'est entouré d'anciens conseillers de Robert Bourassa et, depuis deux ans, il a adopté un ton et un discours qu'on ne lui aurait jamais cru possible.

En campagne électorale l'an dernier, il a appelé les souverainistes à le joindre pour «se dresser» contre Ottawa. Il a envoyé paître le fédéral quand on lui a signifié qu'il faudrait l'accord d'Ottawa pour négocier des accords internationaux avec la France ou d'autres dans les domaines de compétence provinciale. Il a parlé de «l'émancipation» internationale du Québec.

Jean Charest a même ressorti la «souveraineté culturelle» de Robert Bourassa, l'an dernier, réclamant les pleins pouvoirs en matière culturelle, notamment par une représentation au CRTC.

Non, vraiment, ce n'est pas le même homme qui a débarqué presque de force dans la politique québécoise, arrivant d'Ottawa en 1998, et qui bâillait quand il était question de constitution.

Oh, il ne réclame pas de rouvrir la constitution. Mais pas par principe. Simplement parce que les esprits ne sont pas mûrs, dit-il.

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Pendant ce temps, le PQ entreprend un virage encore plus comique.

Pauline Marois vient de lancer l'idée des référendums «sectoriels», ce que certains appellent «la patente à Lisée», du nom de son père spirituel, le très doué Jean-François.

En attendant le soir du grand soir, c'est-à-dire le référendum qui fera du Québec un pays, pourquoi pas une série de référendums en enfilade?

Les Québécois adorent l'idée de rapatrier des pouvoirs d'Ottawa. Demandez-leur s'ils veulent plus de pouvoirs pour le Québec, ils répondront immanquablement «oh, oui, je veux!» C'est comme si on vous demande : voulez-vous être un peu plus vous-même?

Forcés de choisir entre deux chaises (ce que nous n'aimons apparemment pas), les Québécois ces jours-ci ne s'assoiraient pas majoritairement sur celle de la souveraineté.

Mais offrez-leur un parterre avec plein, plein, plein de petits strapontins pour se promener le derrière tantôt à gauche, tantôt à droite, et il seront séduits.

L'idée étant qu'après s'être fait refuser six, sept chaises pliantes, on finirait par dire aux Québécois: regardez! Le fédéral ne veut pas nous laisser nous assoir!

Et là, on remballerait tous ces strapontins et on nous offrirait dans un beau grand Référendum Total le fauteuil capitonné de l'indépendance, qu'on irait ensuite porter au siège des Nations Unies.

C'est tellement rusé que c'en est émouvant. La preuve que c'est très rusé et astucieux et tout : Jacques Parizeau, qui sait où loger son postérieur, adore l'idée.

Mais évacuons le génie stratégique et revenons-en à l'essentiel. Que nous dit le PQ? Une victoire à un référendum sur la souveraineté est invisible à l'horizon. Comme les Québécois sont pour une plus grande autonomie, parlons d'autonomie, pas de souveraineté.

Alors il arrive à l'autonomisme ce qui est arrivé à l'environnement : tout le monde est pour.

Pauvre ADQ...

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Jean Allaire, auteur du fameux rapport de 1993 sur l'avenir du Québec qui a mené à la division du Parti libéral et la création de l'ADQ, riait au bout du fil, hier, quand je l'ai joint. «Les libéraux se sont rendus compte que la population aime l'idée d'autonomie plus grande, alors ils en parlent. Le PQ s'est rendu compte que l'option de l'article 1 de son programme ne vend pas...»

Il a fondé un nouveau groupe de réflexion, avec notamment Claude Béland, Diane Bellemare, le Dr. Stephen Morgan, des économistes, des environnementalistes, pour faire un nouveau programme politique québécois. Un programme sur tous les grands enjeux, mais un programme autonomiste, n'en doutez pas...

Entre-temps, les deux principaux partis politiques font comme avec les autres enjeux : ils prétendent être formidablement différents mais se précipitent mine de rien vers le un grand milieu constitutionnel.

C'est la réunion de l'imaginaire consensus, le pot-pourri de toutes les velléités constitutionnelles dans des emballages aux tons de bleus divers.

Ces deux grands partis, ceux-là même qui riaient du Mario Dumont ni fédéraliste, ni souverainiste, que sont-ils donc devenus?