Dans d'autres millénaires, les poètes nous emmenaient dans l'espace et au-delà.

Aimez-vous Apollinaire?

Voie lactée ô soeur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

 

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses (1)

Maintenant, les hommes d'affaires s'en vont dans l'espace pour nous envoyer des poèmes.

J'ai des doutes.

Dans d'autres millénaires, quand des millionnaires excentriques s'en allaient faire un périple en Amazonie ou en Papouasie ou dans la jungle africaine (toutes terres qui à l'époque voisinaient la Lune), dans d'autres millénaires, donc, ces voyageurs de luxe disaient: je pars en voyage.

Maintenant, ils partent en Mission.

Oooh! Aaah!

Ainsi, Guy Laliberté s'en va faire le touriste dans l'espace. Ça le regarde, c'est son argent.

Je trouve par contre assez comique de le voir prétendre transformer un pur trip personnel en entreprise humanitaire et sociale.

Il se sent coupable de flamber 35 millions pour son voyage, ou quoi?

C'est parce qu'on les reçoit déjà, ses messages, et très, très bien depuis la Terre.

Je suis sûr que quelques relationnistes auraient pu faire passer son message sur l'importance de l'eau et même le poème de Péloquin pour 33, 34 millions, gros max.

Il peut bien faire autant de tours de navette qu'il veut. Moi, ça ne me dérange pas du tout. Ça aide même à financer le programme spatial. Ça me suffit. Il est libre.

Mais pourquoi ce besoin de nous monter un gros bateau en plus? On n'avait rien demandé.

J'ai des doutes.

Louise Harel

Louise Harel, maire de Montréal?

J'ai des doutes. Est-ce que vous en avez?

Elle a dit deux choses très importantes, hier et mercredi. La première: la transparence du financement. La deuxième: casser le système ridicule des 19 mairies à l'intérieur de la ville.

Parce que c'est elle qui le dit, on écoute. Et Gérald Tremblay devra livrer bataille là-dessus. Juste pour ça, juste pour cette envie affichée de livrer bataille sur ces deux enjeux qui touchent à la démocratie, à l'intégrité et à l'efficacité de l'administration, l'arrivée de Louise Harel est une formidable nouvelle.

L'absence de concurrence sérieuse est un danger qui guette la démocratie. Quand je vois que le maire Gilles Vaillancourt règne à peu près sans opposition depuis 20 ans... Y aura-t-il un opposant avant son 50e anniversaire à l'hôtel de ville?

J'ai des doutes.

Mais pour revenir à Louise Harel, il y a quand même ceci qui n'est pas négligeable. On peut trouver amusant de voir la réaction épidermique de plusieurs Anglo-Montréalais. Ce n'est pas mon cas.

En dépit de toutes les bonnes raisons qu'il y avait de faire les fusions, Louise Harel a démontré dans cet épisode une ignorance de la réalité sociologique anglo-montréalaise. Il y avait un enjeu identitaire pour des centaines de milliers d'anglophones, un enjeu absent des débats sur la Rive-Sud, à Chicoutimi, Sherbrooke, etc. Et cela, elle ne l'a jamais pleinement réalisé.

Hier encore, à Radio-Canada, elle insistait pour dire que dans des villes comme Granby, Sherbrooke, etc., tout s'était passé à merveille. Comme si c'était comparable.

Devant l'hostilité qu'elle déclenche dans certains quartiers, à l'ouest de Saint-Denis, comment penser qu'elle sera cette grande force d'unité dont Montréal a besoin? Ce n'est pas parce que Benoit Labonté est fédéraliste que ça change quoi que ce soit. Comme son problème n'est pas d'avoir été militante péquiste. C'est essentiellement son rôle dans les fusions municipales qui rebute plusieurs Montréalais. À moins de s'adjoindre une personnalité connue et respectée dans la communauté anglo-montréalaise, franchement, j'ai de gros doutes sur le succès de son entreprise.

Et puis, avec ses capacités linguistiques en anglais, pourrait-elle seulement être embauchée comme réceptionniste à l'hôtel de ville?

J'ai des doutes.

Il me semble évident que c'est aussi un critère d'embauche pour le job de maire de Montréal.

Je lui souhaite la bienvenue, elle apportera plein de bon dans ce bizarre de combat qui commence. Mais nonobstant ses réelles qualités, son expérience et son intégrité impeccable, j'ai des doutes.

1. La chanson du mal aimé.

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