L'intégrité de l'administration de la Ville de Montréal a été mise à rude épreuve depuis quelque temps. À un point tel que l'on peut se demander si le maire Gérald Tremblay a vraiment de l'autorité sur son entourage. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que son leadership est remis en question. Est-il l'homme qu'il faut pour relancer Montréal ?

Des fois, j'ai l'impression que Gérald Tremblay n'est pas le maire de Montréal, mais une sorte de lieutenant-gouverneur. Un chancelier d'université de province. Un chanoine honoraire.

 

C'est un homme au-dessus et à côté des controverses, allergique aux conflits.

Comment voulez-vous diriger une ville comme celle-là sans conflits?

Comment? Comme vous voyez. Qu'il soit question du site d'un hôpital d'un milliard de dollars ou de ventes de terrains, Gérald Tremblay ne veut surtout pas de chicane.

Déménager le casino au bassin Peel aurait pu avoir un réel impact sur la mise en valeur d'un secteur sinistré de la ville. Gérald Tremblay était pour, mais pas trop fort. Jamais il n'est allé au front comme il l'a fait, par exemple, pour sauver le Grand Prix. Mais le Grand Prix, c'était une bataille contre un ennemi extérieur, et il ralliait les Montréalais. Dans le cas du casino, comme tellement souvent, il a eu peur, alors il a été timide, timoré, effacé. On n'ira pas blâmer les groupes de pression: le maire de Montréal ne s'est même pas tenu debout.

Non pas que l'affrontement soit un mode de gestion en soi. Mais la peur de se faire des ennemis rend impossible tout leadership.

Or, cette ville a cruellement besoin de leadership, et Gérald Tremblay a raté 100 fois l'occasion de prouver qu'il en a.

 

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Depuis six mois, c'est l'intégrité de l'administration qui est en cause. On ne peut pas se débarrasser du sujet en disant que le vérificateur enquête, que la police enquête et que, avec un commissaire à l'éthique, les choses seront désormais bien gérées.

Selon moi, on n'a pas lu les mêmes rapports. On a de sérieuses indications selon lesquelles des gens contournent les mécanismes des marchés publics. Il y a carrément craintes de corruption. On ne parle pas d'un fonctionnaire perdu dans un service. Il y a vraiment lieu de craindre un système pour écarter des soumissionnaires et pour répartir les contrats entre un petit groupe d'entrepreneurs - le conseiller Richard Bergeron l'affirme carrément dans une plainte à la SQ.

Si c'est vrai, on est face à trois problèmes. Le premier, c'est que la concurrence ne joue pas. Donc, on paie trop cher pour des services et on n'obtient pas nécessairement les meilleurs projets. Le deuxième, c'est qu'on envoie le message à des entrepreneurs qu'ils ne sont pas les bienvenus à Montréal - certains reçoivent le message sous forme de menaces. Le troisième, c'est que, dans la mesure où il y a des complicités à la Ville, cela pervertit l'administration, compromet son honnêteté. Tout cela finit tôt ou tard par pourrir la vie publique.

On sait bien que les enquêtes policières sont en cours et on ne peut accuser personne. Mais les rapports de vérification et l'affaire des compteurs d'eau nous donnent des motifs de craindre que des gens aient implanté ou tenté d'implanter un système malhonnête pour contourner les marchés publics.

On n'est plus au stade du commissaire à l'éthique qui nous dira qu'un élu ne doit pas partir en croisière avec des entrepreneurs. On est bien plus loin, et ça, encore une fois, Gérald Tremblay ne donne pas l'impression qu'il le réalise ou qu'il s'en inquiète.

 

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Hier, à TVA, le maire Tremblay a contre-attaqué en disant que ce n'est pas La Presse qui va choisir le prochain maire. On est d'accord là-dessus, monsieur le maire.

La question que posent les reportages et les commentaires depuis six mois n'est pas là. La question consiste à savoir ce que fait le maire de Montréal pour s'assurer qu'un petit groupe ne pervertisse pas les marchés publics à Montréal.

(Merci pour l'hommage, mais The Gazette et Le Devoir ne doivent pas vous être tellement plus agréables ces jours-ci, en passant.)

J'ai assisté aux explications des ingénieurs sur le projet des compteurs d'eau. Projet nécessaire, projet d'avenir, je dirais presque courageux parce qu'un tuyau sous terre n'est pas nécessairement très rentable politiquement.

Mais encore là, est-ce que la concurrence a vraiment joué? Je n'en suis pas convaincu du tout. Et voilà le maire qui veut «aller au fond des choses»... qui donne un mois et demi au vérificateur pour enquêter sur cette affaire complexe.

Ce n'est pas André Noël qui est allé en bateau avec le constructeur Tony Accurso, c'est l'ancien président du comité exécutif. Ça ne vous inquiète pas, monsieur le maire?

Le maire lance même un défi: «S'ils (les journalistes de La Presse) ont des faits nouveaux, qu'ils les sortent!»

Avez-vous lu les rapports de vérification, monsieur le maire? C'est un bon début.

On y voit une administration incroyablement empressée de créer une structure privée pour vendre les terrains de la Ville - dont certains sont les plus importants que possède Montréal.

On y voit une administration qui n'écoute pas ses propres avocats quand ils lui disent que ses procédés sont illégaux.

Et on y voit, après une tentative de se soustraire à la vérification publique, une série de transactions suspectes.

Ça, ce n'est pas La Presse qui le dit, c'est le vérificateur de la Ville et la firme retenue pour l'aider. Et tout ça est entre les mains de la police.

Hier, Gérald Tremblay a dit qu'il serait candidat le 1er novembre. Il a aussi dit qu'il conservait son équipe, quoi qu'on puisse penser du rôle qu'elle a joué dans l'histoire de la SHDM.

Bel élan de solidarité, qui ne fait que confirmer qu'on n'a pas lu les mêmes rapports.

C'est ainsi que Gérald Tremblay exerce son leadership. Quelques sermons prononcés avec sincérité. Mais surtout, pas de chicane. Tout ira mieux, tout ira mieux, mes amis, n'ayez pas peur.

Je ne suis pas rassuré.

 

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Hier, Gérald Tremblay a dit que, s'il y a un bon candidat dans l'opposition, il sera ravi de lui faire face aux élections de novembre. Et les Montréalais trancheront, a-t-il ajouté. Fort bien, mais pour l'instant, ce candidat existe-t-il? Moi, je ne le vois nulle part. Et vous?