Le président de la Banque Nationale, Louis Vachon, a touché en 2008 une rémunération totale de 4,7 millions$. Pendant que vos REER et vos actions plongent, vous vous posez la question: quel est son truc?

 

Je crois avoir enfin compris comment fonctionne la rémunération des banquiers. Il y a beaucoup d'idées reçues sur le sujet, alors ça vaut la peine de démystifier tout ça.

Par exemple, on a l'impression que c'est un truc réglé entre copains dans une belle salle de conseil d'administration. Faux! Ces salles sont souvent affreuses.

Ensuite, le public, mal informé en matière de finance, croit généralement que les banquiers touchent des primes pornographiques sous prétexte que les actions de la banque prennent de la valeur.

Faux encore! On le comprend cette année: ils touchent des primes indécentes de toute manière!

En gros, voici comment ça fonctionne. Si la performance d'une banque est bonne une année donnée, on récompense le président en ajoutant à son salaire des primes de toutes sortes.

Par contre, si la performance d'une banque est affreuse une année donnée, on cherche quelque part au Canada des banques qui ont fait pire et on récompense le président d'être moins pire en ajoutant à son salaire des primes de toutes sortes.

Oui, me direz-vous, mais cela signifie qu'un banquier touche des primes au rendement peu importe le rendement?

Eh bien, voici. Dans un monde en constant changement, il faut adapter la définition du mot «rendement» selon les circonstances.

Car enfin, mesdames et messieurs, si M. Vachon était privé de sa prime de 742 900$, il ne lui resterait qu'un salaire de 800 000$, plus 3,2 millions$ en actions, sans compter 175 057$ en dividendes et 368 000$ pour son fonds de retraite.

Ça fait chenu.

C'est pourquoi, contrairement à d'autres banquiers canadiens qui ont renoncé volontairement à leur prime cette année, vu «l'environnement économique actuel», M. Vachon gardera tout. Il y a droit, nous dit la Banque.

Le plus extraordinaire de l'affaire, nous explique ma collègue Sophie Cousineau, c'est que M. Vachon n'a même pas rencontré les objectifs que le conseil d'administration lui avait fixés dans trois des quatre domaines!

Dans quelle compagnie un employé qui échoue dans trois des quatre objectifs fixés touche-t-il une prime au rendement?

L'action perd de sa valeur, le président ne rencontre pas les trois quarts de ses objectifs, mais non content de garder son emploi, il touche une prime. Il n'en avait pas touché l'année précédente, sa rémunération se limitant à 4,3 millions$. Et, l'année précédente, comme président de la Financière, à 6,7 millions$.

Songez: 6,7 millions en 2006, 4,3 millions en 2007... Quand donc allait s'arrêter cette spirale infernale vers le bas?

Cette année.

Aux clients, aux investisseurs, aux nouveaux chômeurs, à ceux qui craignent de le devenir, aux PME qui se serrent la ceinture pendant la tempête, M. Vachon dit qu'il a le droit. Incontestablement, il a le droit.

Réjean Robitaille, de la Laurentienne, touchera aussi sa prime de 388 125$ sur une rémunération totale de 2 millions.

Ils auraient pu faire un geste un peu significatif mais ils n'y ont pas pensé. Quand les banquiers de Toronto l'ont fait, ils ont eu l'occasion évidente de les imiter. Ils ont encore passé leur tour.

Ils nous diront probablement que les médias font de la démagogie facile sur le dos des banquiers. Ils diront que pour attirer des candidats de haut calibre, il faut très bien les rémunérer.

Je dirai qu'ils ont raté une belle occasion de montrer qu'ils comprennent ce qui se passe dans la rue.