Mine de rien, les électeurs québécois ont réussi quelque chose d'assez unique. Élire un gouvernement majoritaire à l'intérieur d'une Assemblée nationale plus diversifiée idéologiquement que jamais.

Commençons par la surprise. Ce n'est pas un triomphe, mais c'est certainement une victoire pour Pauline Marois. Le PQ fait beaucoup mieux qu'avec André Boisclair en 2007. Il reprend l'opposition officielle, comme prévu. Mais ce qui n'était pas prévu, c'est que le parti souverainiste réussisse aussi bien : une douzaine de sièges le séparent du pouvoir, à environ 7% des libéraux. En période d'inquiétude économique, c'est plutôt remarquable.

On voit mal les militants l'évincer après cela.

Continuons par la demi-surprise. Mario Dumont n'a pas assez de députés pour être reconnu comme parti officiel, mais il en a trop pour qu'on le raye de la carte, comme certains sondages nous le suggéraient. Il n'en a surtout pas assez pour continuer l'aventure. Lui parti, qu'adviendra-t-il de l'ADQ? Ce parti a peut-être un an pour nous dire s'il a des racines ou seulement des votes. Mais, même dans l'improvisation, même dans ses accès démagogiques, il a représenté une mouvance conservatrice qui n'a pas d'autre expression politique au Québec. Il a abordé plusieurs sujets tabou : privatisation partielle d'Hydro et du système de santé, place de l'État dans l'économie québécoise, rôle des commissions scolaires, etc. Sujets sur lesquels le PLQ et le PQ disent à peu près la même chose - et de plus en plus.

Et puis, il y a cette nouveauté assez énorme : l'élection du premier député de Québec solidaire, un parti dont on a beaucoup parlé, mais qui a recueilli moins de votes que les verts en 2007. Avec l'élection d'Amir Khadir, on peut avancer que l'Assemblée nationale n'a jamais connu un spectre idéologique aussi large : voici maintenant un représentant d'un parti fermement ancré à gauche et sept représentants de l'ADQ, clairement à droite, autour d'un noyau de députés des deux principaux partis assez interchangeables au plan idéologique en santé, en éducation, en économie, le PQ et le PLQ n'étant vraiment séparés au bout du compte que par la question constitutionnelle et les lois linguistiques.

Plus que jamais, donc, la présence de voix discordantes, à droite et à gauche, devient nécessaire - c'est peut-être précisément la cause de leur présence.

On n'aurait pas cru la chose possible avec notre mode de scrutin, qui a tendance à faire disparaître les voix plus marginales. Mais les électeurs, dirait-on, ont déjoué cette vieille logique de la science politique et ont trouvé le moyen d'exprimer une largeur de vue plus représentative de la société québécoise, dans ce cadre pourtant contraignant qui ne reflète pas justement les suffrages exprimés.

Charest : les moyens de ses ambitions

Pendant la campagne, Jean Charest disait que ce qu'il préparait en ce moment, c'était pour «après la tempête».

Il a ce matin une courte majorité, mais une majorité quand même. Reconnaissons que lui aussi était un politicien «fini» autour de 2005, puis à moitié mort l'an dernier. Il se porte visiblement mieux. Pour la tempête et pour après.

Il a donc quatre ans devant lui pour être autre chose devant l'histoire qu'un premier ministre relativement médiocre, sans terrible vice ni grande vertu.

Quatre ans. Quatre ans pour laisser sa marque. Il a de grandes ambitions, ces derniers temps, du moins dans ses discours. Il parle du Grand Nord, il parle d'ententes économiques avec l'Europe. Il a des accents nationalistes de plus en plus prononcés. Il parlait encore hier soir de la place du Québec «non seulement dans le Canada, mais dans le monde».

Mais quand on semble encore incapable de simplement construire un hôpital universitaire, on a comme un doute.

Il y a trop de CHUM qui traînent dans le paysage québécois pour qu'on prenne au sérieux les ambitions soudainement très vastes de Jean Charest.

Ces derniers temps, son gouvernement a surtout évité de faire des erreurs. Il a promis large et haut et loin cette année. Il n'aura plus l'excuse de la minorité pour ne pas faire avancer les choses en éducation, du primaire à l'université, ce qui est quand même la clé du développement d'une société. Puis en santé, et, évidemment, puisque c'était son thème, dans le développement économique. On a hâte de voir ça, M. Charest. C'est ce mandat que ça se passe, n'est-ce pas?

À Québec, ils n'auront jamais été aussi diversifiés pour vous surveiller.