Stéphane Dion, cet accident politique qui n'en finit plus, cet homme qui va de défaite en défaite jusqu'aux plus hauts sommets, Stéphane Dion, donc, s'en va vers le poste de premier ministre avec la bénédiction du Bloc québécois.

Et dans six mois, un homme désigné par un congrès libéral lui succédera à la tête du gouvernement canadien.

Saviez-vous que vous aviez voté pour ça?

Cette histoire est autant psychiatrique que politique. Aux dernières nouvelles, le premier ministre s'appelait encore Stephen Harper et le gouvernement n'avait pas été défait.

 

Et voilà que les trois chefs de l'opposition, dans un élan de folie à trois, se concoctent un gouvernement de coalition.

Et pleuvent les milliards sur les industries malades!

A-t-on dit 30 milliards? Autant que la Grande-Bretagne a décidé d'injecter.

Oh, c'est peut-être une excellente idée économique. Mais je le répète: on a brûlé un certain nombre d'étapes.

Que le gouvernement Harper ait été mesquin et stupide dans son énoncé économique de la semaine dernière est une chose. Mais avant de changer de gouvernement, l'opposition devrait le faire reculer et le forcer à un compromis -ce que Stephen Harper tente de faire désespérément.

Pourquoi devrait-on accepter l'idée qu'après moins de deux mois de gouvernement, l'opposition ait «perdu confiance» dans le gouvernement et qu'on doive à tout prix s'en remettre à Stéphane Dion et Jack Layton?

Cette confiance n'a jamais existé politiquement: les trois partis de l'opposition, plutôt au centre gauche, nous l'ont assez clairement dit avant, pendant et après la campagne. Rien de neuf ici: c'est pourquoi ils sont dans des partis différents!

Juridiquement, pour retirer cette confiance, il faut un vote de la Chambre des communes. Vote qui n'a pas eu lieu.

Les Canadiens n'ont peut-être pas le goût de voter tous les trois mois, mais veulent-ils vraiment un ministre de l'Industrie (ou de n'importe quoi d'autre) néo-démocrate sans l'avoir décidé?

Les partis d'opposition, voyez-vous, ont découvert ce formidable esprit de coopération. Dixit Thomas Mulcair: ils sont prêts à «mettre de côté les divisions» pour «agir sur l'économie dans le meilleur intérêt de l'ensemble des Canadiens». Comme c'est touchant!

Il leur reste à démontrer que le gouvernement Harper est intraitable et ne veut faire aucun compromis. Pour l'instant, tout ce qu'on a, c'est un plan qui contient des mesures inacceptables (comme la suspension du droit de grève et l'abolition du financement public des partis). Encore faut-il nous convaincre que ce changement de premier ministre est la seule option. Ce fardeau appartient à l'opposition.

Certes, l'arrogance de Stephen Harper touche à la bêtise politique. Mais s'il a l'obligation de bien faire fonctionner le Parlement, de tenir compte de sa situation minoritaire, l'opposition a aussi une obligation. Celle de ne défaire le gouvernement qu'en dernier recours.

On n'en est pas là et ce qui se prépare à Ottawa est tout aussi inacceptable que les tactiques du gouvernement Harper.

Si celui-ci annule son énoncé économique et retourne à la planche à dessin, l'opposition n'aura aucune excuse pour tenter ce renversement prématuré qui ressemble à un petit coup d'État. Et l'arrogance aura changé de camp.

Il est vrai que les gouvernements canadiens (dans les provinces essentiellement) défaits en Chambre dans les six premiers mois de leur élection ont été remplacés par un parti de l'opposition ou une coalition. Mais encore faut-il que le premier ministre défait accepte ce changement et ne demande pas la dissolution de la Chambre. Qu'arrive-t-il si Stephen Harper la demande?

Avis donc aux enthousiastes qui laisseraient la gouverneure générale agir contre la volonté du gouvernement conservateur, même défait: êtes-vous bien certains de vouloir donner ce pouvoir à la Reine?

Pas moi.

Alors, s'il vous plaît, messieurs d'Ottawa, ressaisissez-vous. Ce plan arrive trop vite, trop fort.

Mes excuses

J'ai fait une erreur dans ma chronique d'hier: après les élections de 1925, Mackenzie King était minoritaire, mais avec 101 députés libéraux, appuyés par 24 progressistes; les conservateurs avaient 116 députés. C'est en 1926 que King a fait élire 116 libéraux, les conservateurs 91. Mes excuses.

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca