Je ne sais pas s'il a été le meilleur, mais c'est le meilleur de Mario Dumont qu'on a vu. Précis, cinglant, capable d'aller au-delà de la petite phrase et, en bonus, un sourire qu'on ne lui avait pas vu depuis longtemps. Un peu trop hilare par moments, si ça se trouve. Pour des temps si graves, cela faisait léger.

Jean Charest a commencé en lion mais a eu un creux majeur au milieu du match, quand Mario Dumont l'a interpellé : combien, la dette du Québec, allez, combien?Euh... Un peu plus de 120 milliards, a répondu le premier ministre. C'est 148, a rétorqué le chef de l'opposition du tac au tac. Et l'an dernier, 141,5. C'est donc dire que vous avez fait un déficit!

Jean Charest était déstabilisé, bafouillait, se trompait de mots. Le coup était tout juste sur la ceinture, il faut dire, puisque selon les chiffres des Finances, la dette totale du gouvernement du Québec est plutôt de 128 milliards, mais tout dépend évidemment de ce qu'on y ajoute.

Mais le temps de sortir des câbles, il avait repris l'attaque. Et, chose incroyable, il a même réussi à battre Pauline Marois quand est venu le temps de parler de «projet de société». N'est-ce pas le pain et le beurre du Parti québécois? Dans la première partie de sa réponse à ce jeune de 30 ans qui cherchait un Barack Obama, elle n'a même pas parlé de souveraineté. Éducation et famille, a-t-elle dit, voilà mon projet. Fort bien, mais ça fait un peu chenu comme projet de société, un peu adéquiste en somme. N'était-ce pas le temps de frapper un coup de circuit ? La balle était donnée, facile : voilà jeune homme ce que nous voulons faire, un pays, un pays unique, qui nous ressemble, pour que le génie québécois s'exprime, que sais-je. Mme Marois fait de la rétention souverainiste et ce n'est pas bon pour la santé.

Jean Charest a alors repris la balle pour parler d'un projet en cinq points, essentiellement un ensemble de partenariats économiques, mais avec ceci d'un peu neuf, enfin un truc dont on ne nous parle guère en temps ordinaire, le développement du Nord. Il y avait beaucoup de vent dans ses cinq points, mais au moins un peu d'élan.

Pour le reste, il est indéniable que Jean Charest y est allé fort question cassettes - parlons plutôt de fichiers. Il avait préparé plusieurs six pouces, si vous me passez une autre métaphore sportive. Et tenez, M. Dumont, un de vos députés m'a félicité, et allez Mme Marois, tel péquiste a dit que j'avais raison sur ceci. Et puis, inlassablement, toujours ce message : on passe notre temps à réparer ce que Pauline Marois a fait.

Elle avait raison d'être exaspérée. Mais cette femme manque de colère. Il me semble que c'était le temps de lui river son clou, d'autant que cette tactique de «c'est pas moi, c'est elle» était convenue et prévisible.

J'ai un plan, j'ai un projet, a-t-elle dit au début. Mais qui peut, ce matin, nous résumer l'originalité? Ce qu'il a de plus différent, la souveraineté, elle ne l'a évoquée qu'en passant, comme un lointain objectif. Beaucoup d'imprécision dans le langage, également. En parlant des aidants naturels, elle concède qu'il faut les aider car ils ont «un certain nombre d'activités dans d'autres institutions».

Elle a eu de bonnes répliques, comme celle sur les «89 référendums» des libéraux sur les défusions. Et son exemple de bonne entente constitutionnelle, quand elle a fait réformer les commissions scolaires. Mais tant d'expérience dans tant de ministères aurait dû lui permettre d'être plus précise et plus efficace. Au lieu de ça, elle a passé la soirée à se dire exaspérée de se faire attaquer par Jean Charest.

Au total, l'attaque a donc été menée essentiellement, et assez efficacement, par Mario Dumont, qu'on n'avait pas vu aussi en forme depuis, ma foi, une bonne élection.