Il y a tout juste un an, Stephen Harper annonçait qu'il y aurait une commission d'enquête sur l'affaire Mulroney-Schreiber. Dans les jours qui ont suivi, les deux principaux intéressés et quelques figurants ont témoigné.Vous vous souvenez du raffut médiatique qui a suivi ?

Et soudain, on n'en a plus parlé. Tout semble disparu comme s'il s'agissait à nouveau d'une très ancienne histoire.

La commission d'enquête a pourtant été mise sur pied, le commissaire nommé et un premier calendrier a été publié.

Au cas très probable où vous auriez manqué la nouvelle, sachez que le commissaire s'appelle Jeffrey Oliphant. Il a été nommé le 12 juin. Il a 64 ans, est bilingue et, jusqu'à sa nomination, était le juge en chef adjoint de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, l'équivalent de notre Cour supérieure.

Le NPD a protesté contre sa nomination, parce qu'il a été nommé juge en 1985 par le gouvernement conservateur de Mulroney. L'accusation ne tient pas la route, le juge Oliphant n'ayant jamais rencontré Brian Mulroney de sa vie, et ayant été par la suite nommé juge du Nunavut par... Jean Chrétien. De toute manière, tous les juges canadiens de nomination fédérale ont été nommés par les conservateurs ou les libéraux et seraient donc potentiellement en conflit d'intérêts apparent.

Le juge Oliphant a choisi comme avocat principal de la commission (oliphantcommission.ca) Richard Wolson, un avocat criminaliste très réputé de Winnipeg, avantageusement connu dans tout le barreau canadien.

Wolson a été l'avocat de la commission d'enquête sur l'erreur judiciaire dont a été victime Thomas Sophonow, un homme détenu pendant quatre ans pour un meurtre qu'il n'avait pas commis. Evan Roittenberg, aussi de Winnipeg, Nancy Brooks, d'Ottawa, et Giuseppe Battista, un criminaliste de Montréal ayant travaillé pour la commission Poitras, sont les autres avocats de la commission.

Toutes les audiences, qui se dérouleront à Ottawa du 9 février au 6 avril, seront publiques.

Le mandat donné à la commission comporte 17 questions. La plupart concernent les transactions entre Mulroney et Schreiber : d'où provenaient les 225 000$ ou 300 000$ versés en argent comptant par Schreiber à Mulroney? Quelle sorte d'entente avaient-ils ? Était-ce contraire aux règles d'éthique des députés (M. Mulroney n'était plus premier ministre, mais encore député au premier versement)? Qu'est-il advenu de l'argent, a-t-il été déclaré, etc.

La commission a aussi pour mandat, dans sa deuxième phase, d'examiner s'il y a lieu de modifier les règles. Un forum d'experts est prévu pour le mois d'avril et le public sera invité à produire des mémoires au printemps.

Le 2 octobre, le juge Oliphant a fait une première déclaration publique, au moment d'entendre ceux qui demandaient une aide financière. Il a annoncé clairement qu'il avait compris les leçons de la commission Gomery : aucune entrevue aux médias pendant la commission, ni pour lui, ni pour les avocats!

Les questions posées dans le mandat, qui proviennent du rapport du recteur Johnson, sont assez précises. Le commissaire devra cependant dire non seulement ce qui s'est passé, si c'était conforme aux règles d'éthique, mais également si le tout était «acceptable», vu la position de député et ex-premier ministre de Brian Mulroney.

Aussi, dès le mois de janvier, les participants à l'enquête seront appelés à suggérer leur définition du mot «acceptable». Seulement quatre parties ont été reconnues : le procureur général du Canada, MM. Mulroney et Schreiber et Fred Doucet, ex-conseiller du premier ministre et lobbyiste pendant les années Mulroney.

On apprenait d'ailleurs cette semaine que M. Doucet a demandé à la commission une aide financière, disant avoir des difficultés à se payer un avocat. Le juge Oliphant a «recommandé» qu'elle la lui soit donnée, mais en limitant le nombre d'heures de travail de l'avocat et uniquement pour les jours d'audience qui le concernent. Les autres participants paient leurs frais, y compris M. Mulroney.

Le Bloc québécois a été le seul autre à tenter d'obtenir le statut de partie, sans succès, n'ayant pas convaincu le juge qu'il a une expertise particulière pour aider la commission.

Le mandat prévoit que le rapport doit être remis, dans les deux langues, le 12 juin 2009, ce qui serait une sorte de record.

Trouveront-ils quelque chose qu'on ne sache déjà ? Ils ne referont pas toute l'enquête Airbus, déjà explorée par la GRC, et il s'en trouvera pour le déplorer.

Mais si cette commission trouve une réponse satisfaisante aux 17 questions, on saura ce qu'il y a à savoir.