On dit souvent que lorsque les États-Unis toussent, le Canada attrape un rhume. Avec l'élection de Donald Trump, on peut aussi dire que lorsque les États-Unis se cognent la tête, c'est le Canada, et même le reste de la planète, qui souffre d'une commotion cérébrale.

La classe politique canadienne et québécoise a été sonnée par ce résultat inattendu. Manifestement, on attendait Hillary Clinton et il faudra maintenant faire avec Donald Trump.

Plusieurs politiciens d'ici ont noté que M. Trump a déjoué les pronostics et que sa victoire est celle du peuple contre les « élites », formule un peu simpliste qui désigne surtout les politiciens de carrière à Washington et les médias libéraux. Donald Trump est un multimilliardaire qui voyage dans son avion personnel et qui a fait fortune dans l'immobilier, on ne peut pas dire que c'est un « gars du peuple », tout de même.

Les riches Américains, qu'on peut classer aussi dans les « élites », ont majoritairement voté Trump, notamment parce qu'il leur a promis des baisses d'impôt. Pour la révolte du peuple, on repassera.

Hillary Clinton symbolisait mieux que quiconque cette « élite » politique sans imagination ni ambition autre que celle de prendre le pouvoir. Cette élite accrochée aux mamelles de la haute finance et accro aux jeux de pouvoir à Washington.

Bernie Sanders, lui, représentait vraiment le peuple et proposait une véritable révolution. Trump, lui, a tout simplement poussé le concept du mensonge, de la peur et de la démagogie en politique à un niveau jamais atteint.

Françoise David, de Québec solidaire, a dit que l'« élection de Trump est une sonnette d'alarme » et qu'elle reflète la « révolte du peuple contre les élites politiques et médiatiques ». C'est plus juste, plus précis que de viser les « élites ».

Le chef de la CAQ a pris la balle au bond, s'en prenant lui aussi à « une certaine élite québécoise » (certains de ses adversaires et certains médias, si j'ai bien compris) et il en a profité pour réclamer de nouveau des baisses d'impôt et un meilleur encadrement des immigrants.

Mais François Legault est un millionnaire qui a fait fortune dans l'aviation civile et qui vit dans la bulle politique depuis près de 20 ans. Pas très « peuple », lui non plus.

Après le choc, une question émerge : et si nous avions, un jour, nous aussi, un Donald Trump, au Québec ou au Canada ?

Personne n'a jamais atteint ici ce niveau de populisme. Stockwell Day (qui a échoué) et Stephen Harper (qui a réussi) étaient à droite et maniaient une forme de populisme, mais ont l'air de servants de messe à côté de Trump.

Au Québec, Mario Dumont (qui a presque réussi en 2007) a campé à droite, mais aux États-Unis, il aurait été perçu comme un libéral.

Donald Trump pourrait-il inspirer une nouvelle vague de politiciens à son image ? J'en doute.

Chez les conservateurs, la candidate à la succession de Stephen Harper Kellie Leitch dit trouver « très inspirante la victoire de Trump », mais même si elle joue la carte identitaire, elle est plutôt modérée.

On présente souvent Kevin O'Leary, un entrepreneur qui songe à se lancer dans la course au PCC, comme le Trump canadien. Comme outsider venant du monde des affaires, il pourrait être tenté de jouer le populiste de droite, mais dans un pays qui vient d'élire, et qui adore, un premier ministre qui vante les vertus des « chemins ensoleillés », il serait étonnant qu'un politicien canadien atteigne le pouvoir en empruntant la recette Trump.

LES MÉDIAS AU PILORI

Les médias, en particulier les chroniqueurs et les analystes politiques, de même que les sondeurs, réagissent comme les météorologistes devant leurs images satellites : telle configuration, tel système dans tel environnement « devrait » (notez les guillemets) donner tel ou tel phénomène climatique.

Il arrive toutefois qu'une tempête se transforme en ouragan ou, au contraire, que la « tempête de neige du siècle » vire en bonne grosse pluie de mars.

Je ne cherche pas ici à excuser ou à minimiser les erreurs des médias ou des sondeurs, mais je plaide le droit à l'erreur devant des systèmes aussi imprévisibles.

Je ne crois pas qu'il s'agisse de mépris de la part des médias élitistes envers le brave « petit peuple ». En avril et mai 2011, personne, j'insiste, « personne » dans les médias n'avait prédit que le NPD de Jack Layton remporterait 59 des 75 sièges au Québec. Ce n'était certainement pas par mépris envers le NPD et ses électeurs, ce n'est pas par condescendance envers l'électorat non plus, mais plutôt par un réflexe conservateur des médias.

Fin avril 2011, les chiffres des sondages montaient clairement, comme l'aurait fait une image satellite, un « système » très lourdement favorable au NPD, mais personne ne s'est avancé à parler de tsunami. On accuse souvent les médias d'être sensationnalistes, mais, en matière de prévisions électorales, je dirais qu'ils sont le plus souvent conservateurs (dans le sens de prudent, s'entend).

Je veux bien reconnaître, toutefois, que dans les cas Trump et « vague orange », les médias étaient en décalage avec l'électorat.

On pourrait dire la même chose de la victoire du NPD de Rachel Notley en Alberta, en 2015, et de celle de Jean-François Lisée à la tête du PQ le mois dernier.

Là où les médias ont péché (moi le premier), c'est dans leur réticence à reconnaître le véritable et puissant désir de changement de la population, le moteur le plus fort, le plus indomptable en politique, au point, parfois, de donner des résultats apparemment impensables et défiant toute logique.