Justin Trudeau et Philippe Couillard ont dû quitter leur colline parlementaire respective, vendredi, avec empressement et soulagement, eux qui ont eu une semaine de rentrée parlementaire exécrable.

Après une visite remarquée à New York, en début de semaine, qui faisait suite à un voyage en Chine pour Justin Trudeau et un à Cuba pour Philippe Couillard, les deux premiers ministres ont constaté, à la dure, que nul n'est prophète en son pays. En fait, je devrais dire : nul n'est intouchable en son pays.

S'ils ont réussi à marquer des points à l'étranger, ils se sont fait passablement malmener ici.

Philippe Couillard doit commencer à être habitué (j'y reviens) aux turbulences, mais pour Justin Trudeau, qui a traversé sa première vraie controverse, l'atterrissage a été ardu.

On a appris cette semaine que le déménagement de Toronto à Ottawa de la chef de cabinet de M. Trudeau, Katie Telford, et du secrétaire principal du premier ministre, Gerald Butts (conjoint de Mme Telford), a coûté un peu plus de 200 000 $ aux contribuables. Ça fait cher la boîte.

Malgré le feu nourri des partis de l'opposition aux Communes, Justin Trudeau a répété pendant trois jours que son bureau n'avait fait que suivre les règles de remboursement mises en place par le précédent gouvernement. Jeudi soir, le couple Telford-Butts a finalement admis que son déménagement avait coûté trop cher, il a présenté ses excuses et il a consenti à rembourser plus de 65 000 $ (représentant surtout des honoraires professionnels et des frais de courtiers pour la transaction).

Dossier clos ? Techniquement, oui, mais cette histoire soulève des doutes sur le jugement et les réflexes du premier ministre et de ses deux principaux conseillers (M. Butts est un vieil ami de M. Trudeau), qui ont tenté de se cacher derrière la bonne vieille excuse : « Nous avons suivi les règles. » La même excuse utilisée par Mike Duffy, a ironisé le conservateur Jason Kenney, qui, incidemment, a quitté hier la Chambre des communes pour tenter sa chance au Parti progressiste conservateur de l'Alberta.

Encore une fois, c'est la chef de cabinet du premier ministre qui remboursera l'État pour étouffer un scandale, mais au moins, cette fois-ci, elle paiera ses propres frais, pas ceux d'un sénateur englué dans une histoire croche.

Autre coup dur pour le gouvernement Trudeau, le Globe and Mail nous a appris que la jeune ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, ex-réfugiée d'origine afghane est, en fait, née... en Iran. Oups !

Ce n'est pas très grave, direz-vous avec raison, mais comme cette histoire avait ému tout le monde, y compris le président Obama, qui en a parlé dans son discours aux Communes en juin, disons que ça jette une ombre sur le joli conte de fées.

Mme Monsef s'est excusée, affirmant que sa mère lui avait toujours dit qu'elle était née en Afghanistan.

L'ÉTHIQUE AU COEUR DES DÉBATS, À QUÉBEC (ENCORE UNE FOIS)

Certaines chaînes de restauration rapide affichent dans leurs succursales le nom et la photo de l'« employé du mois ». Au gouvernement Couillard, il y a le « ministre du mois », mais loin d'être un honneur, c'est plutôt pour souligner qu'il y a toujours au moins un membre du cabinet dans le gros trouble.

Ce mois-ci, c'est Laurent Lessard, embarrassé par un ex-attaché qui a reçu des subventions de l'État alors qu'il était encore dans son entourage. Cette affaire sent mauvais et les partis de l'opposition ne se sont pas gênés pour enfoncer le clou. S'il y a un ministère où la probité ne doit laisser aucun doute, c'est bien aux Transports, épicentre des problèmes éthiques à Québec.

Ce qui dérange aussi, dans cette histoire, c'est la réaction du premier ministre qui, comme d'habitude, semble totalement imperméable aux problèmes éthiques touchant son gouvernement. 

Il y a un « pattern » avec M. Couillard : d'abord, il dit tout ignorer de l'affaire. Ensuite, il contre-attaque en accusant les partis de l'opposition de faire de la récupération. Puis, il défend son ministre et il finit par le larguer.

Tout ça peut prendre entre plusieurs semaines et quelques jours, mais c'est toujours la même chose. Et le même résultat. Il y a eu Yves Bolduc, Sam Hamad, Jacques Daoust et maintenant, Laurent Lessard.

Même les employés transfuges qui ont quitté la CAQ pour aller travailler pour le gouvernement libéral, emportant apparemment avec eux quelques documents confidentiels, ont droit à l'indulgence du premier ministre. Jusqu'à ce que l'opinion publique, et même le très sage caucus libéral, lui fasse comprendre que c'est intolérable.

En matière d'éthique, le temps de réaction de Philippe Couillard rappelle les délais désespérants de téléchargement de photos au début de l'internet.

PQ : LE FESTIVAL DE LA TALOCHE BAT SON PLEIN

Il aura fallu plusieurs mois avant que ça lève, mais la course à la direction du PQ a finalement attiré l'attention des Québécois. Bon, le verbe « lever » n'est peut-être pas le bon dans le contexte, parce que ça reste assez souvent au niveau des pâquerettes, mais ce genre d'exercice est souvent mouvementé. Au PQ, il faut juste multiplier par trois ou quatre pour décrire le niveau d'agitation.

Notre sondage CROP, publié jeudi, confirme ce que les camps engagés dans cette course nous disent depuis quelques semaines : c'est serré entre Alexandre Cloutier et Jean-François Lisée.

Parti favori, M. Cloutier semble avoir oublié un principe de base : une course à la direction, c'est presque toujours un concours de personnalité et à ce jeu, il a perdu contre M. Lisée.

Il est ironique, par ailleurs, de constater que tous les candidats de cette course disent vouloir faire de la politique autrement, qu'ils veulent être plus ouverts et plus transparents, alors que Jean-François Lisée, en vieux stratège qu'il est, a utilisé un des plus vieux trucs dans le grand livre en liant Alexandre Cloutier à Adil Charkaoui.

Créez un doute, laissez mijoter, il en restera toujours quelque chose...