L'engagement politique est une chose noble et courageuse qu'il faut saluer en cette époque de grande désillusion, mais certaines conversions laissent perplexe. C'est certainement le cas de l'arrivée de Paul St-Pierre Plamondon dans la course à la direction du Parti québécois.

Réglons tout de suite un petit détail : Paul St-Pierre Plamondon, c'est long (ça fait 24 caractères sur Twitter). Entre nous, à Bazzo.tv, on le surnommait PPP pour faire plus court, mais j'opterais plutôt pour le sigle PSPP, question de ne pas sacrifier le saint.

Parlant de Bazzo.tv, c'est là que j'ai croisé PSPP pour la dernière fois, lors de la dernière émission, le 24 mars dernier. J'étais assis tout juste à côté de lui et je l'ai donc très bien vu (et entendu) se tortiller de plaisir sur son tabouret tout en tapant avec enthousiasme sur la table en écoutant Camil Bouchard dire que le PQ devait mettre son article un au congélateur et réclamer au nom des Québécois une « nouvelle proposition » politique qui saura rassembler les sociaux-démocrates. S'en est suivi un bref échange entre PSPP et Joseph Facal, qui n'adhérait visiblement pas à la théorie de la création d'un nouveau parti.

C'est là que PSPP lui a lancé : « L'innovation change plusieurs choses, Joseph, mieux vaut innover », avait-il plaidé, précisant qu'on ne peut présumer d'emblée que la population rejettera toute offre politique nouvelle.

Voilà pourquoi il est si étonnant de le voir rejoindre un parti qui, selon ses déclarations et écrits récents, est devenu un agent de stagnation politique au Québec.

En se lançant dans la course à la direction du PQ, PSPP a certes étonné, mais il n'a pas innové. Lui qui a passé les dernières années de sa vie à dire et à écrire que les partis traditionnels ne répondaient plus aux attentes des Québécois, en particulier les jeunes, qui ont grossi les rangs des orphelins politiques, le voilà soudainement devenu péquiste, et même aspirant chef péquiste.

L'orphelin en chef s'est trouvé une famille d'accueil, qu'il a choisie avec sa tête plutôt que son coeur, apparemment convaincu que c'est par un PQ réformé que passe la sauvegarde de la social-démocratie québécoise. C'est une version du célèbre dicton anglophone : If you can't beat them, join them (si tu ne peux pas les battre, joins-toi à eux).

PSPP n'a jamais été membre du PQ (il affirme avoir été fédéraliste, avant de devenir « fédéraliste déçu »), il avait hier pour ce parti des critiques très dures et il est totalement inconnu dans les rangs péquistes. 

Qu'à cela ne tienne, il semble avoir acquis la certitude qu'il lui serait plus facile de changer le PQ de l'intérieur que d'essayer de fonder un nouveau parti, une expérience ardue au Québec.

Lors de cette dernière émission de Bazzo.tv, Joseph Facal avait lancé à PSPP : « Paul, tu veux déplacer les plaques tectoniques en seulement deux ans, tu risques de manquer de temps ! » Il semblerait que cet argument ait pesé plus lourd dans la balance que celui de la recherche d'une nouvelle voie.

Voilà un cheminement tout de même étonnant. Il y a quelques semaines à peine, PSPP consultait en privé des souverainistes déçus et autres orphelins politiques à la recherche d'une nouvelle option progressiste. Certains d'entre eux m'ont dit depuis deux jours leur surprise de voir celui qui proposait de sortir des partis traditionnels faire le saut au PQ.

Il y a tout juste un peu plus d'un mois, il lançait officiellement le mouvement des orphelins politiques, avec vidéos et sites internet, lançant un appel aux bénévoles et aux dons pour financer les activités et même une permanence.

Il faut dire que l'objectif poursuivi par PSPP n'a jamais été d'une très grande limpidité. Nouveau parti ? Mouvement fédérateur plus citoyen que politique ? On était généralement plus près des concepts parfois fumeux que du programme politique. Chose certaine, PSPP se cherchait et j'ai maintes fois senti l'agacement du pragmatique Facal devant les énoncés théoriques du jeune avocat.

Cela dit, son arrivée au PQ a quelque chose, effectivement, de rafraîchissant, pour reprendre son expression. Il n'est pas de la famille et les outsiders attirent nécessairement l'attention.

S'il s'en tient à son message sur la souveraineté (« Il faut dire la vérité aux gens », a-t-il répété plusieurs fois hier en conférence de presse), il provoquera de bons débats avec les quatre autres candidats. Question positionnement, il est certainement le moins pressé de tenir un nouveau référendum, mais sa position sur la possibilité d'en tenir un dans un deuxième mandat baigne dans un flou artistique. PSPP nous dit qu'il voudra mesurer l'appétit de la population pour un troisième référendum, dans un deuxième mandat, avec un « mécanisme objectif, neutre, fiable et clair ».

Oui, mais encore ? lui a-t-on demandé. Réponse : « Je ne veux pas parler de la mécanique... » En tout cas, il apprend vite les réflexes classiques du PQ.

Ceux qui ne le connaissaient pas auront découvert hier un jeune homme qui ne manque pas de confiance en lui. Je ne suis pas certain, d'ailleurs, qu'il réussira à séduire sa nouvelle famille en se réclamant ouvertement de René Lévesque et en promettant de reconnecter les Québécois au PQ, un parti dont il est membre depuis quelques heures à peine.

« Je suis dans une logique de vérité et de service à la population, comme René Lévesque », a-t-il dit hier.

Orphelin jusqu'à hier matin, PSPP a trouvé une famille d'adoption et un père spirituel.