Le hasard a voulu que je sois en route vers Québec, hier matin, en vue de faire des entrevues sur l'an 1 de Pierre Karl Péladeau à la tête du Parti québécois lorsque j'ai entendu les premières rumeurs... de sa démission.

Pour reprendre la boutade d'une amie recherchiste, finalement, ce n'est pas un portrait de PKP, un an plus tard, qu'il faudrait écrire maintenant, mais plutôt sa biographie.

Cela dit, il y aurait peu à écrire, tellement son séjour a été bref. Arrivé il n'y a même pas tout à fait un an à la tête du PQ comme celui, le seul, peut-être même le dernier, qui pouvait convaincre les Québécois de faire la souveraineté du Québec, il est parti déchiré, brisé par une situation familiale insoutenable. Quelques sarcastiques mettront en doute ses raisons réelles, rappelant que la famille sert très souvent de porte de sortie commode à des politiciens déçus ou désabusés, mais il serait injuste de prêter de tels motifs à M. Péladeau.

Je ne suis certainement pas un intime de PKP, mais pour l'avoir vu dans son environnement familial, il est clair pour moi que cet homme aime ses enfants.

Son bref parcours et sa sortie fracassante sont atypiques, mais le personnage lui-même était une bizarrerie dans le monde politique.

Richissime héritier d'un des entrepreneurs légendaires du Québec, marié à une vedette catégorie AAA+ (pour reprendre la classification dévoilée par Pierre Lapointe), PKP ne cadrait dans aucun moule connu de la politique québécoise. Son union avec Julie Snyder, leur mariage en grande pompe à Québec, le glamour de leur couple auront introduit un élément « people » auquel nous ne sommes pas habitués au Québec avec nos élus. À en croire Mme Snyder, dimanche à Tout le monde en parle, la pression de la vie politique sur leur vie familiale est vite devenue intolérable.

Par ailleurs, la personnalité parfois abrasive de PKP, surtout avec des journalistes à qui il refusait parfois même de serrer la main, aura compliqué son entrée en politique, un domaine dont il ne connaissait pas les codes.

La saga de sa fiducie sans droit de regard pour l'isoler de Québecor dont il restait propriétaire (fiducie qui n'était pas encore en vigueur, a-t-on appris hier) n'aura fait que compliquer la greffe qui n'a jamais vraiment pris dans le monde politique.

Son départ, personne ne l'avait vu venir. PKP « performait » mieux comme chef depuis quelque temps ; il était beaucoup moins intempestif sur les réseaux sociaux et il avait procédé à des réaménagements au sein de son bureau. Il avait même lancé ce qui aurait pu le consacrer comme chef politique : la réunification de la famille souverainiste.

Les péquistes pourront se consoler en se disant qu'ils n'ont pas eu le temps de s'attacher et que, malgré les promesses du début, PKP n'a pas été le sauveur attendu.

Ceux et celles, d'ailleurs, qui croient encore aux sauveurs et aux solutions instantanées devraient prendre des notes : en politique, les raccourcis mènent toujours dans des culs-de-sac.

On a senti hier de la stupéfaction au sein du caucus péquiste, mais pas de chagrin. Il n'y a pas eu de larmes ou de désarroi comme lorsque Jacques Parizeau, Bernard Landry ou Pauline Marois sont partis. On est même rapidement passé aux questions de l'intérim et de la prochaine course à la direction.

LA SUITE

Pour le PQ, mine de rien, ça fait donc cinq chefs en 15 ans, sans compter les chefs intérimaires. Pour la même période, le Parti libéral en a eu deux.

Difficile d'instaurer la stabilité nécessaire à tout parti politique, d'asseoir l'autorité du chef, de le faire connaître des Québécois et réciproquement avec un tel roulement.

Le départ de M. Péladeau permettra peut-être au PQ de prendre de front ses deux plus graves problèmes : que faire du fameux article 1, soit la stratégie référendaire, et comment ramener les jeunes électeurs désabusés.

Le temps presse d'ici les prochaines élections, mais le PQ ne pourra faire l'économie d'un débat profond sur son option. Ce parti jadis porteur de grandes réformes doit aussi se positionner sur les enjeux de l'heure : l'environnement, le développement des ressources naturelles, l'immigration et l'éducation. Le PQ devra aussi se méfier de François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, qui se retrouve, avec le départ de PKP, seul prétendant au poste de champion de l'économie québécoise et de la création d'emplois.

Les libéraux, quant à eux, se gardaient bien de célébrer hier. À vrai dire, ils étaient satisfaits d'avoir Pierre Karl Péladeau, et son poing levé en faveur de la souveraineté, en face d'eux et ils s'en promettaient pour les prochaines élections.

Le PQ devra d'abord choisir un chef intérimaire, vendredi. Pas de temps à perdre, les travaux reprennent mardi à l'Assemblée nationale.

Ensuite se mettra en branle la course.

Les mêmes noms que la dernière fois circulent :  Alexandre Cloutier, Bernard Drainville, Martine Ouellet, Jean-François Lisée. Il faut ajouter le nom de Véronique Hivon, une députée populaire à l'intérieur et à l'extérieur du caucus.

M. Cloutier, qui a terminé deuxième l'an dernier, semble partir avec une longueur d'avance, mais il a lui aussi de jeunes enfants, tout comme Jean-François Lisée.

Idem pour le principal outsider, Jean-Martin Aussant, dont le retour éventuel alimente la chronique au PQ depuis des années.

M. Aussant, dont l'aura agace certains députés du PQ, devra toutefois affronter certaines réticences au sein du caucus. « Je ne comprends pas l'engouement, il est surévalué, m'a confié l'un d'eux. S'il n'était pas parti, nous n'aurions pas besoin de le ramener. »

Ne reste qu'à mettre les boules dans le boulier pour un autre épisode palpitant au Parti québécois.