Quelque 1500 membres du NDP de partout au Canada sont réunis à partir d'aujourd'hui à Edmonton pour débattre de l'avenir de leur parti, mais avant toute chose, ils devront décider si le chef actuel, Thomas Mulcair, fait toujours partie des plans futurs de leur formation après la rude défaite électorale, il y a six mois.

En fait, les deux questions sont indissociables : Thomas Mulcair et le NPD sont-ils compatibles ? En ce sens, c'est plus qu'un vote de confiance envers le chef qui se déroulera à Edmonton, mais plus profondément, c'est un vote de conscience pour la base militante, surtout pour l'aile gauche, qui réclame un retour aux sources.

Au NPD, on ne demande pas aux militants s'ils font ou non confiance au chef, on leur demande plutôt s'ils souhaitent une course à la direction de leur parti, ce qui revient au même. Thomas Mulcair a besoin d'une majorité de « non » pour garder son poste. Quel pourcentage ? Difficile de donner un chiffre précis (comme c'est le cas pour un vote de confiance classique), mais il semble y avoir un consensus autour de 70 %. En deçà de cette marque, tout le monde s'entend pour dire que ce serait très ardu de diriger le NPD.

Il est vrai que le NPD, contrairement au Parti québécois, notamment, est plus patient avec ses chefs, mais la situation dans laquelle se trouve Thomas Mulcair est inédite. Jamais le NPD n'a semblé si près du pouvoir que lors de la dernière campagne électorale (au début, du moins) et bien des néo-démocrates se sont mis à y rêver. Pour emprunter une image au football, M. Mulcair a échappé le ballon tout près de la ligne des buts, là où le NPD s'était rendu pour la première fois. Entre 2011 et 2015, la formation n'était plus vue comme l'éternel troisième ou quatrième parti de l'opposition à Ottawa, mais bien comme une solution de rechange viable au gouvernement conservateur.

En plus, et c'est là le principal handicap de Thomas Mulcair, il a poussé son parti vers la droite, laissant les libéraux se faufiler sur sa gauche.

Pour les détracteurs de M. Mulcair, ce n'est pas qu'une erreur de stratégie électorale, c'est une entorse à l'idéologie traditionnelle du NPD.

Depuis six mois, Thomas Mulcair sillonne le pays dans tous les sens pour rencontrer les militants, les associations locales et les grandes organisations syndicales, toujours influentes au NPD. S'il devait se retirer, dimanche, après un résultat décevant, ce ne serait certainement pas parce qu'il n'aurait pas tout donné pour garder sa place.

M. Mulcair a, en outre, fait quelques mea culpa bien sentis, acceptant tout le blâme pour la défaite et promettant d'être plus à l'écoute de sa base militante. Il a reconnu, notamment, ne pas avoir réagi adéquatement à la « crise » du niqab, qui a fait perdre 20 % de votes au NPD.

À Montréal, cette semaine, il y est allé d'un cri du coeur, d'une profession de foi sociale-démocrate devant le congrès des Métallos.

« Je travaille dans le domaine de la justice sociale depuis des années. Je travaille aussi dans le domaine de l'environnement, j'ai été dans le mouvement syndical pendant des années, alors oui, je reflète bien les valeurs profondes du NPD, des valeurs d'entraide, de solidarité, et j'ai un profond désir de réduire les inégalités dans notre société », a-t-il lancé, sachant fort bien que c'est précisément ce genre d'auditoire qu'il doit convaincre pour passer le test du congrès de son parti.

Pour plusieurs néo-démocrates rencontrés récemment, dont des députés, c'est trop peu, trop tard. Les critiques de M. Mulcair lui reprochent d'avoir eu une approche autocratique durant la dernière campagne, d'avoir coupé les ponts avec les candidats qui se battaient sur le terrain (notamment contre cette histoire de niqab), de s'être enfermé dans des arguments d'avocats plutôt que de chef rassembleur, d'avoir complètement raté le virage des réseaux sociaux, de s'être mal entouré, d'avoir mis trop de temps à réagir aux vents contraires et à la montée des libéraux. Plusieurs des opposants à Thomas Mulcair croient par ailleurs qu'il souffre de la comparaison avec le jeune et photogénique Justin Trudeau et que cela sera encore pire dans quatre ans, aux prochaines élections.

« Ce n'est pas le bon chef pour 2019, dit une source néo-démocrate. Il est possible qu'il survive au vote de confiance, mais cela n'empêchera pas le caucus de le pousser vers la sortie dans un an ou deux. On n'est pas pressés, on a quatre ans devant nous. »

Le président d'Unifor, Jerry Dias, qui dirige le plus important syndicat canadien représentant des travailleurs du secteur privé, en arrive à la même conclusion : « Si nous devons changer de chef, je pense que nous devrons discuter de ça dans deux ans », a dit M. Dias la semaine dernière lors d'une rencontre entre néo-démocrates à Ottawa. M. Dias a ajouté que les partis qui changent de chef un an avant les élections ont généralement du succès.

Le plus dur coup porté à M. Mulcair est venu d'un autre dirigeant syndical, Hassan Yussuff, président du Congrès du travail du Canada, qui lui a carrément tourné le dos. « Je lui ai dit : "Je ne sais pas pourquoi tu penses que tu devrais diriger le parti en 2019" », a déclaré M. Yussuff il y a quelques jours à La Presse Canadienne.

M. Mulcair peut, officiellement, compter sur l'appui de grandes organisations syndicales, comme le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), le syndicat des Métallos et les Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC Canada), mais une fois dans l'isoloir, chaque militant, qu'il soit lié à un syndicat ou à une association de circonscription, votera selon sa conscience.

Officiellement, M. Mulcair jouit aussi de l'appui des députés du Québec, mais cet appui n'est pas unanime. Parmi les députés battus en octobre, et parmi leurs partisans, plusieurs voix se sont élevées, publiquement ou anonymement, pour réclamer son départ

Il est possible que M. Mulcair décroche 70 % des voix et décide de s'accrocher, mais rien ne dit, loin de là, qu'il sera encore en poste à l'automne 2019.