Des fois, ce n'est pas ce qui est écrit dans les communiqués qui en dit le plus sur une situation.

Prenez, par exemple, le communiqué publié mercredi matin par le gouvernement du Québec pour souligner la commande de 45 avions CS300 par Air Canada à Bombardier. Assurément une bonne nouvelle, qui arrive à un moment critique pour l'avionneur et pour le gouvernement du Québec.

« Cette transaction, d'une valeur de 5,2 milliards de dollars (3,8 milliards US) pour les 45 appareils, vient confirmer que le Québec a fait le bon choix en s'associant à Bombardier, un fleuron de l'économie québécoise, dans le développement de la Série C. Nous avons toujours cru au potentiel de croissance de la Série C, et je suis convaincu que cette entente renforcera son positionnement dans le marché des avions commerciaux », affirme Philippe Couillard dans ce communiqué. 

Plus loin, M. Couillard vante aussi, avec raison, l'entente de création d'un centre d'excellence pour l'entretien des avions de Bombardier à Montréal. Jusque-là, que du bon.

L'enthousiasme de la réaction du premier ministre pour cette bonne nouvelle n'arrive toutefois pas à faire oublier la mauvaise nouvelle du jour : la suppression de 7000 emplois chez Bombardier (toutes les divisions) à travers le monde, dont 2400 au Québec. Un détail, apparemment, qui ne méritait pas de se retrouver dans le communiqué du gouvernement.

L'occasion était trop belle pour Pierre Karl Péladeau et François Legault, et ils ne l'ont pas manquée. À quoi bon investir de l'argent public (1,3 milliard) dans une entreprise, même s'il s'agit d'un fleuron, si on ne peut même pas protéger les emplois ici ? Même si Bombardier redécolle avec la C Series, combien des 2400 salariés seront rappelés ? Et puis, les quelque 1000 emplois créés au futur centre d'excellence ne remplaceront qu'en partie les 1600 perdus chez Aveos. Au net, 1,3 milliard plus tard, nous sommes dans le déficit, et non la création d'emplois.

Au mieux, le gouvernement libéral sauve les meubles (même pas sa mise), et encore, tout dépend de la réponse du gouvernement fédéral, qui, lui, risque gros, politiquement et financièrement, s'il se lance lui aussi à la rescousse de l'avionneur.

Oubliez la lutte contre le groupe État islamique ou l'ampleur du déficit ou la légalisation de la marijuana. À court terme, ce qui menace le plus la lune de miel entre Justin Trudeau et l'électorat à l'extérieur du Québec, c'est Bombardier.

Dans le reste du Canada, en particulier dans l'Ouest, Bombardier est synonyme d'« assisté social corporatif ». Cela date de 1986, lorsque le gouvernement Mulroney a accordé à Canadair le contrat d'entretien des CF-18. Cela fait 30 ans que la grogne perdure et que l'Ouest juge que l'industrie aéronautique québécoise jouit d'un traitement de faveur.

Justin Trudeau a affirmé en entrevue à La Presse, la semaine dernière, que son gouvernement annoncerait ses couleurs pour Bombardier avant le budget, donc quelque part en mars. Le gouvernement du Québec s'attend à une contribution équivalente à la sienne.

Ottawa plongera vraisemblablement dans l'aventure, mais on peut d'ores et déjà voir se profiler les termes de l'entente : le fédéral donne de l'argent à Bombardier, Québec laisse passer le pipeline Énergie Est.

À première vue, les deux dossiers n'ont rien à voir, mais imaginez la colère du reste du Canada si Québec, en plus de recevoir de l'aide pour Bombardier, s'oppose au pipeline qui doit transporter le pétrole de l'Alberta au Nouveau-Brunswick.

Dans ce dossier, c'est Ottawa qui a le gros bout du bâton puisque Québec a absolument besoin du fédéral pour que son plan de sauvetage de Bombardier fonctionne.

Par ailleurs, le gouvernement Couillard a bien d'autres dossiers difficiles sur les bras en ce début 2016. C'est même la semaine des patates chaudes à Québec.

D'abord Pétrolia, qui continue d'embarrasser Philippe Couillard. Rappelé à l'ordre par ce « partenaire » dans le développement du pétrole à Anticosti, M. Couillard a dû baisser le ton et accepter de rencontrer ses dirigeants. De plus, les partis de l'opposition insistent pour savoir combien coûterait une rupture de contrat avec Pétrolia.

Il y a aussi la réforme de la gouvernance scolaire, une entreprise apparemment impossible au Québec. Tout juste revenu de convalescence en poste à son nouveau ministère, Pierre Moreau s'est empressé de calmer le jeu, mardi, en ralentissant le rythme de la réforme. Le gouvernement Couillard arrive visiblement à la même conclusion que ses prédécesseurs : l'abolition des commissions scolaires ou la refonte de la gouvernance scolaire est plus facile à promettre qu'à faire.

La rentrée parlementaire d'hiver à Québec est aussi marquée par deux autres sujets lancinants : la conclusion d'une entente collective (compromise, malgré un accord de principe intervenu avant les Fêtes) avec les employés de l'État et la cohabitation Uber-taxis. Dans un cas, on sent clairement l'improvisation ; dans l'autre, les centrales syndicales croient pouvoir exploiter la vulnérabilité du gouvernement.

Finalement, dans le département des patates chaudes, c'est la ministre de la Culture, Hélène David, qui s'en tire le mieux cette semaine. Le témoignage d'une victime de Claude Jutra, publié mercredi dans La Presse, aura finalement permis de clore cette affaire. En trois jours, Mme David est passée de « prudence, il s'agit d'allégations » à « je suis troublée » puis « on efface le nom de Jutra partout ».