Grosse année politique, 2015 aura sonné le glas de l'ère Harper à Ottawa et aura officialisé l'arrivée de Pierre Karl Péladeau à la tête des forces souverainistes au Québec, en plus de concrétiser les mesures de resserrement budgétaire du gouvernement Couillard. Ça, c'était 2015, mais que nous réserve 2016?

Ottawa

Le premier budget Morneau

Quelque part en mars ou en avril, le nouveau ministre des Finances, Bill Morneau, aura pour lourde tâche de déposer le premier budget de la nouvelle ère libérale du gouvernement Trudeau. Première question : à combien s'élèvera le déficit « modeste » annoncé par les libéraux durant la campagne électorale ? Ils l'avaient estimé à 10 milliards, mais à Ottawa, des rumeurs avancent le chiffre de 20, voire 25 milliards. Dans un contexte économique difficile, le gouvernement Trudeau devra faire des choix et retarder la concrétisation de certains engagements, tout en gardant le cap sur le retour à l'équilibre dans 3 ans.

Opération « réfugiés syriens »

Après un départ lent et quelques hésitations, l'opération « réfugiés syriens » est bel et bien en branle, et même si l'objectif de 10 000 avant la fin de 2015 n'a pas été atteint, les Canadiens ne s'en formaliseront pas trop. C'est l'objectif final, soit 25 000 réfugiés d'ici le printemps, qui reste le vrai défi du gouvernement Trudeau.

Pipelines

Le rejet par le président américain Barack Obama du projet de pipeline Keystone XL (qui devait s'étendre de l'Alberta jusqu'au golfe du Mexique) coince le gouvernement Trudeau, qui doit maintenant trouver d'autres tracés permettant d'exporter le pétrole des sables bitumineux. Le projet Énergie Est, de TransCanada Pipeline, fait bien des mécontents au Québec et pourrait devenir, s'il est lancé, le symbole de l'insensibilité du gouvernement fédéral envers le Québec. Les projets vers l'Ouest, vers la porte du Pacifique, comptent eux aussi de nombreux détracteurs, notamment au sein des Premières Nations. Justin Trudeau a promis une nouvelle ère de respect avec les autochtones, il serait donc malvenu de passer par-dessus leur opposition.

Paris, et la suite

Célébré à Paris au début du mois de décembre, le nouvel accord international sur la lutte contre les changements climatiques doit maintenant être suivi de gestes concrets dans les capitales des pays signataires. Justin Trudeau s'est engagé à élaborer un programme conjoint avec les provinces dans les 90 jours suivant la conclusion de l'accord de Paris, ce qui nous mène au début de mars. Grand, très grand défi que d'obtenir un consensus entre le fédéral, dix provinces et trois territoires aux intérêts et préoccupations souvent divergents sur une question aussi complexe. Rappelons, notamment, que le PLC s'est engagé à mettre fin progressivement aux subventions aux producteurs de combustibles fossiles.

Lutte contre l'EI

Plus de deux mois après l'élection du gouvernement Trudeau, l'engagement, en campagne électorale, de rapatrier nos chasseurs F-18 utilisés au sein de la coalition internationale luttant contre le groupe État islamique (EI) n'a toujours pas été tenu. Les appareils y resteront probablement jusqu'en mars, ce à quoi s'était engagé le gouvernement Harper, mais au-delà de cette échéance, Justin Trudeau devra déterminer les conditions de notre engagement dans cette guerre. Ça tombe bien, M. Trudeau pourra même en discuter avec le président Obama, qui recevra en grande pompe son homologue canadien le 10 mars.

Mourir dans la dignité

Au Québec, malgré les contestations judiciaires, la Loi concernant les soins de fin de vie, souvent appelée « Mourir dans la dignité », est bel et bien entrée en vigueur en décembre. Au fédéral, c'est plus complexe. Le gouvernement fédéral a, techniquement, jusqu'en février pour modifier la loi interdisant l'aide médicale à mourir. La Cour suprême pourrait toutefois accorder six mois de délai supplémentaire au nouveau gouvernement (audience en Cour suprême le 11 janvier). Délai ou pas, Ottawa doit modifier une loi jugée inconstitutionnelle en 2015 puisqu'elle interdit l'aide médicale à mourir. Les signaux envoyés à ce jour par Justin Trudeau et sa ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, laissent croire que le fédéral ira dans le sens souhaité par le Québec et la Colombie-Britannique.

Le Sénat

Négligé par l'ex-premier ministre Stephen Harper au cours des deux dernières années, le Sénat n'a pas disparu pour autant, et il faudra bien que son successeur pourvoie les 22 sièges vacants (sur 100), tout en remplissant son engagement de moderniser la façon de nommer les sénateurs. Déjà, en 2015, Justin Trudeau avait décidé que les sénateurs libéraux siégeraient dorénavant comme indépendants et qu'ils ne seraient donc plus membres du caucus libéral. Il devrait maintenant demander aux provinces de lui fournir une liste de candidats afin de pourvoir les postes libres.

Légalisation de la marijuana

On a cru, après l'élection des libéraux, que Justin Trudeau mettrait de côté cet engagement controversé, mais le nouveau premier ministre semble déterminé à aller de l'avant. L'affaire comporte toutefois son lot de défis juridiques, politiques et même pratico-pratiques (du pot à la SAQ ?).

Financement de la santé

Autre engagement électoral des libéraux fédéraux : conclure une nouvelle entente avec les provinces pour le financement de la santé, ce qui ouvre un autre front litigieux avec les provinces. Depuis 20 ans, tous les prédécesseurs de Justin Trudeau (Jean Chrétien, Paul Martin et Stephen Harper) ont vécu des expériences politiques douloureuses en convoquant les provinces à Ottawa sur ce sujet. C'est presque toujours le cas lorsqu'il est question de gros sous et de partage entre Ottawa et les provinces. M. Trudeau n'a toutefois pas le choix : il doit conclure une nouvelle entente.

Québec

Remaniement

Premier défi de Philippe Couillard en 2016 : effectuer un remaniement ministériel, question de relancer son gouvernement. Il semble que les ministres de l'Environnement et de l'Éducation soient sur un siège éjectable. En entrevue à La Presse, il y a quelques semaines, M. Couillard a laissé entendre que ce remaniement pourrait être profond, laissant plus de place aux femmes, aux jeunes et aux députés des régions. Visiblement, la recette Trudeau met un peu de pression sur le premier ministre du Québec.

Retour à l'équilibre

Prévu pour le prochain budget, l'équilibre budgétaire permettra au gouvernement Couillard de relâcher un peu les manettes de l'austérité, même si Philippe Couillard a prévenu en fin d'année qu'il reste des efforts à faire en 2016. La grande question : quoi faire des modestes surplus attendus ? Réinvestissement dans les services publics ou baisses d'impôts ?

Anticosti

Après avoir vanté les vertus économiques de l'exploitation pétrolière au Québec en 2013, Philippe Couillard a tourné le dos au projet de Pétrolia à l'île d'Anticosti durant son séjour à la conférence sur le climat, à Paris, au début de décembre. Cela annonce-t-il un changement de cap de Québec ou seulement un positionnement opportuniste au moment où la planète parlait d'environnement à Paris ? Réponse en 2016.

Financement de la santé

Les provinces doivent conclure une nouvelle entente avec Ottawa pour le financement de la santé. Depuis qu'il est au pouvoir, Philippe Couillard se contente de demandes modestes à Ottawa. De plus, son ministre des Finances, Carlos Leitao, a rendu service à son homologue fédéral, Bill Morneau, en affirmant qu'il n'y a pas de déséquilibre fiscal en ce moment.