Le jour de l'annonce du retour de Gilles Duceppe à la tête du Bloc québécois, son ancien député et conseiller de Pierre Karl Péladeau, Daniel Turp, déclarait que Thomas Mulcair, Justin Trudeau et Stephen Harper devraient s'inquiéter de cette «nouvelle campagne» électorale

C'est peut-être vrai pour MM. Mulcair et Trudeau - encore faut-il que la remontée du Bloc s'accentue et dure plus qu'un sondage -, mais pour le moment, Stephen Harper a toutes les raisons de se réjouir de ce retour inattendu.

Quiconque suit, même de très loin, la politique au Québec savait que le Bloc québécois bénéficierait du retour de son ancien chef. Pas besoin d'être descendant de Nostradamus pour en être arrivé, la semaine dernière, à une telle prédiction.

D'abord, le Bloc sous Mario Beaulieu était tellement bas (autour de 15%) que la moindre impulsion positive à son image allait nécessairement se faire sentir. Le retour de Gilles Duceppe ne fait pas l'unanimité, bien sûr, mais il reste un politicien très respecté au Québec et son retour a assuré au Bloc une visibilité inespérée. Ensuite, cette annonce survient à un moment plutôt favorable pour les souverainistes, ragaillardis par l'élection de Péladeau à la tête du Parti québécois et regroupés pour l'adieu à un de leurs plus grands leaders, Jacques Parizeau.

Cela dit, remontée il y a, et elle peut paraître spectaculaire, mais pour le moment, elle ne fait que ramener le Bloc là où il était lors de sa défaite historique de mai 2011. Avec 23,4% des voix, le Bloc n'avait fait élire que quatre députés. Selon CROP, son score est maintenant de 25%, une remontée de 12% par rapport à mai dernier, mais qui le laisse loin derrière le NPD (36%). Les bloquistes peuvent toutefois se réjouir: ils sont de retour dans la course, bons deuxièmes, et ils ont fait un gain de 15% (maintenant à 30%, contre 36% pour le NPD) auprès de l'électorat francophone. Pas mal pour un parti qui était descendu au quatrième rang ces derniers mois. Les bloquistes auraient tort de bouder leur plaisir, mais toute la question pour eux est de savoir si cette embellie prévisible est le résultat temporaire du retour spectaculaire de leur ancien chef ou alors, le début d'une remontée durable ouvrant la porte à un retour en force aux élections d'octobre. (Il est intéressant de noter ici que les médias ne commandent généralement pas de sondages l'été, période réputée morte en politique. Nous pourrions donc devoir attendre septembre pour prendre une nouvelle lecture de l'«effet Duceppe».)

Pour le moment, le principal gagnant de la «nouvelle campagne», ce n'est pas Gilles Duceppe, mais plutôt Stephen Harper, dont le Parti conservateur devient premier dans la grande région de Québec grâce à l'érosion des intentions de vote du NPD. Depuis mai, le Bloc a grimpé de 15 points dans la région de la capitale nationale (de 6% à 21%), bouffant 8% au NPD et 5% aux libéraux et seulement 1% aux conservateurs. Ce n'est qu'une région, direz-vous, mais les conservateurs seraient plus qu'heureux de mettre la main sur quelques nouveaux sièges dans ce coin, surtout aux dépens du NPD. D'autant que le phénomène pourrait toucher certaines circonscriptions plus nationalistes et celles où des luttes à trois à même à quatre font rage.

Les conservateurs, qui ont déjà orchestré toute une campagne au Québec (en 2006) contre le Bloc québécois, n'en glisseront cette fois pas un mot, trop heureux de voir Gilles Duceppe faire le travail contre le NPD. Suffit de faire parader les ministres Blaney et Lebel et le candidat-vedette Gérard Deltell et de marteler le message des baisses d'impôt. Message simple et division du vote: M. Harper est dans son élément.

L'arrivée de Gilles Duceppe dans le décor risque par ailleurs de forcer Thomas Mulcair à passer plus de temps que prévu au Québec et à mener deux campagnes: une contre le Bloc au Québec et une contre les conservateurs ailleurs au pays. Peut-être même trois campagnes, puisque les libéraux sont compétitifs dans la grande région de Toronto.

C'est beaucoup plus simple pour Stephen Harper et pour Gilles Duceppe. Ce dernier, pour espérer un réel retour en force, devra compter sur un solide coup de main de Pierre Karl Péladeau. Jusqu'à quel point le chef du PQ est-il prêt à prêter sa notoriété et la machine de son parti au Bloc, un parti qui était sur le respirateur il y a quelques semaines à peine?

Fin de session, nouveaux scandales

Ce qui aura été, vraisemblablement, la dernière journée d'activités parlementaires à Ottawa avant la campagne électorale s'est terminé sur une note connue pour le gouvernement Harper: une autre histoire scabreuse au Sénat.

Cette fois, un sénateur conservateur, pasteur pentecôtiste, qui a eu des relations avec une mineure. Ça ne s'invente pas! L'affaire est tellement grosse que même les chefs des partis de l'opposition n'ont pas jugé bon en rajouter, hier.

Stephen Harper, qui s'est fait élire en promettant de réformer le Sénat et de ne nommer aucun sénateur avant d'y être parvenu a présidé au plus grave désastre touchant cette honorable chambre.

Considérant les scandales, les démissions, les enquêtes policières, les nominations douteuses, ce qui est étonnant, c'est que les conservateurs ne sortent pas plus mal en point au sein de l'électorat.

Mais cette histoire de Sénat ne veut pas mourir. Elle reprend l'affiche, le 11 août, au procès de Mike Duffy. Premier témoin: Nigel Wright, ancien chef de cabinet de Stephen Harper. Juste à temps pour le début de la campagne électorale.

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