La guerre des publicités électorales sera longue, elle coûtera cher et elle pourrait devenir vilaine et impitoyable. La première vague lancée cette semaine avantage Thomas Mulcair, qui se faufile, par son ton positif, entre les pubs négatives des conservateurs et des libéraux.

Nous sommes à cinq mois des prochaines élections, mais déjà, la bataille publicitaire fait rage. Ces derniers jours, les conservateurs, les néo-démocrates et les libéraux ont tous lancé leur première salve.

Quelques constatations:

- Ces publicités ne réinventent pas la roue: les partis de l'opposition offrent le changement (ah, le bon vieux thème du changement) et le gouvernement sortant propose l'expérience et la stabilité.

- Les conservateurs reviennent à leur recette préférée: les publicités négatives ridiculisant le chef libéral, dépeint comme un beau gosse écervelé, qui a de beaux cheveux, mais qui n'est pas prêt pour le job de premier ministre.

- Tous les partis courtisent les électeurs de la classe moyenne, en particulier les néo-démocrates et les libéraux, qui le font avec plus d'insistance.

- Les libéraux s'aventurent sur le terrain glissant des publicités négatives, rappelant, notamment, l'affaire Duffy.

- Les trois partis mettent leur chef en vedette.

- Seul le NPD a lancé simultanément une version anglaise et une version française de sa première pub télévisuelle. De toute évidence, les conservateurs n'ont pas l'intention de dépenser beaucoup d'argent au Québec, dont ils n'ont pas besoin pour former le gouvernement.

- Les conservateurs visent Justin Trudeau, qui, lui, vise Stephen Harper, laissant Thomas Mulcair hors du ring pour le moment. En fait, les conservateurs et les libéraux ignorent complètement Thomas Mulcair, qui, lui, les ignore aussi dans sa pub.

De tous les points précédents, c'est sans doute le dernier qui en dit le plus sur la stratégie des partis en lice en ce tout début (officieux) de campagne. En attaquant sans ménagement Justin Trudeau, les conservateurs souhaitent faire monter le NPD, ce qui favoriserait la division du vote, en particulier en Ontario. Pour les conservateurs, la clé d'une quatrième victoire depuis 2006 est là.

Justin Trudeau, de son côté, veut se présenter comme la solution de rechange naturelle à Stephen Harper, qu'il esquinte d'ailleurs dans cette première publicité. Pas un mot, lui non plus, sur le NPD. S'ils veulent gagner, les libéraux doivent récupérer les électeurs qui les ont désertés au profit des conservateurs. C'est pourquoi Justin Trudeau s'est invité sur le terrain des conservateurs en promettant une aide financière directe aux parents s'il est élu premier ministre. À la fin de la dernière campagne électorale, en 2011, Stephen Harper avait invité les «vrais» libéraux ontariens à voter conservateur pour bloquer la route au NPD en pleine ascension, un appel qui avait été entendu.

Reste Thomas Mulcair, seul à une table d'un café, qui promet de se battre pour la classe moyenne dont il est lui-même issu. «J'ai été élevé dans les valeurs de la classe moyenne et je vais travailler pour renforcer ces valeurs», dit-il à la fin du spot. M. Mulcair invite ensuite les électeurs à voter pour le changement à Ottawa, sous-entendant, comme il le fait souvent, que conservateurs et libéraux sont de vieux partis coulés dans le même moule.

Dans ce premier épisode de bataille électorale télévisuelle, Thomas Mulcair se démarque comme un chef positif (l'«esprit de Jack» n'est jamais très loin), s'élevant au-dessus de la mêlée et sûr de lui.

Ce n'est que le début d'une très longue campagne électorale, et on verra bien d'autres publicités d'ici octobre. Tant que la campagne n'est pas officiellement lancée, les partis peuvent dépenser sans compter, ce qui, techniquement, avantage le très riche Parti conservateur.

Les conservateurs ne se contentent d'ailleurs pas de pubs télé officielles. Ils utilisent sans retenue l'appareil de l'État à des fins purement partisanes. Allez faire un petit tour sur le site d'Environnement Canada, un des sites internet gouvernementaux les plus fréquentés, et faites glisser le curseur vers le bas de la page d'accueil. Vous y trouverez trois fenêtres vantant les vertus des programmes gouvernementaux (notamment les baisses d'impôts) et même un lien vers la capsule 24/Sept, une chronique hyper partisane hebdomadaire sur les activités du premier ministre. Nous sommes ici très loin des services d'Environnement Canada ou des différentes agences du gouvernement, mais bien plus près de la propagande électorale.

Ce gouvernement ne se gêne pas, d'ailleurs, pour traverser la ligne qui devrait séparer les intérêts partisans des activités du gouvernement.

Il y a quelques jours, on apprenait que le ministre Pierre Poilievre a fait travailler des fonctionnaires en heures supplémentaires un dimanche pour produire une vidéo le montrant en train de vanter le programme de prestation pour enfants auprès des passants dans un marché public d'Ottawa. Critiqué par les partis de l'opposition, le ministre Poilievre en a rajouté, les accusant de vouloir priver les Canadiens des bonnes nouvelles du gouvernement conservateur.