Le premier ministre Thomas Mulcair. Comment ça sonne à vos oreilles ?

Bon, on se calme la vague orange, on n'en est pas encore là, mais le NPD qu'on croyait, il y a quelques mois, voué à une débâcle électorale vient de retrouver au Québec le niveau d'appuis (42 % des intentions de vote, 47 % chez les francophones) qui avait permis à Jack Layton de surfer sur une improbable vague.

Ajoutez à cela (en fait, c'est une relation claire de cause à effet) la victoire inespérée du NPD aux élections albertaines et vous obtenez quelque chose qui ressemble à un bon vent de dos. CROP met le NPD premier au Québec, loin devant des libéraux en perte de vitesse, et un nouveau sondage EKOS devrait démontrer aujourd'hui, selon nos sources, que Thomas Mulcair et ses troupes sont premiers au Canada, y compris en Ontario. Il s'agit évidemment d'une très mauvaise nouvelle pour les libéraux, qui perdent des plumes tout juste après avoir présenté leur plan fiscal pour les familles. Cette annonce, généralement bien accueillie, a de toute évidence souffert de l'effet spectaculaire de la victoire du NPD en Alberta.

Au Québec, les électeurs suivent la politique albertaine de très loin, mais l'élection d'une femme première ministre néo-démocrate a visiblement produit un fort effet. Ailleurs au pays, cette victoire du NPD a remis l'orange à la mode, avec une bonne dose de crédibilité. Le redécoupage favorable de la carte électorale, dans les grandes villes de la Saskatchewan particulièrement, et une bonne prestance en Colombie-Britannique et en Alberta (surtout à Edmonton) ne gâcheront rien au plaisir des néo-démocrates.

L'« effet Alberta » durera-t-il jusqu'aux élections, dans cinq mois ? Trop tôt pour le dire, mais on note deux tendances contraires depuis quelques semaines : le NPD monte et le PLC descend. Par ailleurs, Thomas Mulcair demeure et de loin au Québec le chef le plus apprécié.

Ce n'est pas la première fois que le NPD fédéral se hisse en tête des intentions de vote et peut, même timidement, se mettre à rêver au pouvoir. Dans les années 80, le NPD dirigé par Ed Broadbent a flirté à quelques reprises avec cette perspective. Les bons résultats dans les sondages entre les élections s'estompaient toutefois à mesure que la date du scrutin approchait.

C'est la première fois, toutefois, que le NPD représente réellement une solution de rechange crédible pour former le gouvernement, avec des députés partout au pays (et surtout au Québec, une première pour ce parti), avec un bon mélange de vétérans et de jeunes députés, avec des états de service solides à la Chambre des communes et avec des positions claires et bien arrêtées.

Sans rien vouloir enlever à Jack Layton, son parti n'était pas prêt à prendre le pouvoir en 2011. Le fait est que M. Layton ne pouvait nommer plus de trois candidats de son parti au Québec (il en avait fait élire 59) et que l'arrimage entre ce fort contingent québécois et les députés du reste du Canada n'avait pas été fait. En 2011, Jack Layton était dans la même situation que Mario Dumont en 2007 : les deux partis n'étaient tout simplement pas prêts à prendre le pouvoir.

La situation est bien différente cette fois pour Thomas Mulcair. On aurait tort, d'ailleurs, de lier la remontée du NPD fédéral à la seule victoire de son cousin albertain. Depuis des mois, le NPD défend avec régularité et cohérence ses positions. Les néo-démocrates étaient contre le projet de loi C-51 (qui accorde plus de pouvoir aux services de renseignement dans la traque aux terroristes) et ils ont voté contre, contrairement aux libéraux qui étaient contre... mais qui ont voté pour.

Le NPD défend aussi des dossiers populaires, comme le maintien de la livraison du courrier à domicile (un enjeu surtout urbain, là où le parti performe mieux dans certains coins du Canada). En outre, Thomas Mulcair n'a jamais lâché le morceau dans l'affaire du sénateur Duffy, jouant le rôle du « grand jury » dans ses interrogatoires aux Communes.

Depuis quelque temps, le NPD se montre aussi un peu plus mordant dans ses publicités locales contre les conservateurs, associant par exemple le candidat vedette Gérard Deltell directement à Stephen Harper.

De la pub négative ? Mais où est donc passé l'esprit de Jack ?

On l'a souvent dit : Thomas Mulcair n'est pas Jack Layton. Il y a quatre ans, c'était son principal défaut. Aujourd'hui, c'est son plus grand atout : s'être affranchi du lourd poids de la mémoire de Jack et être devenu le chef du NPD à part entière. Et un candidat sérieux au poste de premier ministre.