On l'attend à droite, il déborde soudainement à gauche. On le dit sanguin et impatient, il vous reçoit avec bonne humeur et humour. On l'imagine réformateur du modèle québécois, il en vante au contraire les mérites.

Pierre Karl Péladeau est, dans le monde politique québécois, la créature la plus attendue, la plus scrutée, mais aussi la plus énigmatique.

On croit le connaître, à cause du nom Péladeau, incontournable au Québec depuis plus de 50 ans. À cause, aussi, de sa compagne (et future femme), Julie Snyder, avec qui il forme l'un des power couples les plus en vue du Québec.

Pierre Karl Péladeau reconnaît d'emblée que sa nouvelle vie d'homme public est très exigeante.

«Il ne faut pas se raconter trop d'histoires: il n'y a pas eu beaucoup de députés nouvellement élus qui ont fait l'objet d'un intérêt aussi grand de la part des médias», dit-il.

Ses adversaires dans la course à la direction du Parti québécois se plaignent d'ailleurs à mots couverts de la surexposition du meneur présumé. D'autant plus qu'ils estiment que celui-ci ne dit rien, qu'il se contente de surfer sur sa popularité et sur son nom et qu'il évite de répondre aux questions.

Vrai, M. Péladeau se réfugie souvent derrière des clichés et il évite d'aller dans le détail des dossiers complexes. C'est généralement le réflexe de tout meneur dans une course à la direction. L'important, dans une telle course, c'est de se faire connaître des militants et de gagner leur vote. Il semble bien que PKP ait atteint en grande partie ses deux objectifs.

En entrevue comme dans les débats, il reste donc vague et prudent sur les sujets de l'heure, comme l'encadrement de la grève étudiante.

Gratuité scolaire

Au fil de la conversation, M. Péladeau ouvre toutefois son jeu là où on ne l'attend pas nécessairement. Sur la gratuité scolaire à l'université, par exemple.

«Des gens disent qu'on devrait se diriger vers la gratuité. Oui, mais pas à n'importe quelle condition. Si, éventuellement, on veut ouvrir le débat sur les droits de scolarité, je suis tout à fait d'accord pour débattre de la gratuité», dit-il.

Il rappelle au passage qu'il a eu la chance d'étudier gratuitement à Paris, profitant en plus d'un logement abordable. «Mais les critères de sélection étaient sévères, précise-t-il. Je me souviens que nous étions environ 500 étudiants dans une grande salle et que nous avions quatre heures pour écrire sur le concept de suzeraineté au XVIe siècle...»

S'il refuse de se prononcer pour le report d'un an de l'atteinte de l'équilibre budgétaire, comme le propose Bernard Drainville, PKP décrit néanmoins comme des «gestes presque brutaux» certaines décisions du gouvernement Couillard, dans le programme des CPE, par exemple. Il rejette aussi certaines affirmations à la mode, notamment que l'État québécois est trop gros ou que la dette est démesurée.

«L'État s'est donné des missions fondamentales en vertu de notre modèle, rappelle-t-il. Est-ce que nous devons nous engager dans des ruptures? Non, je ne crois pas. Je ne me concentrerai pas seulement sur l'obsession des dépenses. Il faut surtout un plan de création d'emplois.»

Et puis, à propos de la dette, il ajoute: «La dette, ça se compare toujours à quelque chose. Ce n'est pas un concept platonicien dans le monde des Idées. En face de la dette, il y a les actifs, et il est vrai que le Québec a des actifs que d'autres provinces n'ont pas.»  

Un candidat très suivi

Dans la grande maison d'Outremont, c'est Julie Snyder qui m'accueille avec l'énergie, la simplicité et le rire qui ont fait d'elle la chouchoute des Québécois au petit écran depuis plus de 20 ans.

Son fiancé semble parfois tendu, surtout devant les journalistes, mais elle, c'est tout le contraire. Mme Snyder dit ne pas vouloir jouer de rôle officiel, mais elle prend soin de son homme et veille au grain.

Autour de nous, les enfants vont et viennent. La petite nous présente ses hérissons et viendra, en pleine entrevue, nous proposer de la quiche! Entre deux questions, son grand frère vient faire un gros câlin à son père, qui trouve bien drôle tout ce va-et-vient.

On est loin ici de l'image du Pierre Karl Péladeau impatient et parfois cassant. 

«Impatient, moi? Oui, je suis d'accord. Mais quand on me pose trois ou quatre fois la même question, un certain moment, on répète la même chose. Je comprends que certains journalistes voudraient avoir la réponse qu'ils attendent, mais ma réponse, c'est ma réponse», dit-il, faisant référence aux questions récurrentes sur sa décision de demeurer actionnaire de contrôle de Québecor. M. Péladeau a promis de mettre ses actions dans une fiducie sans droit de regard s'il devient chef du PQ, mais certains doutent, y compris parmi ses rivaux à la direction, que cela le mette à l'abri de tout conflit d'intérêts.

Il rejette par ailleurs d'un revers de main la perception qu'il est trop impulsif pour faire de la politique.

«J'ai entendu tellement de choses à mon sujet! Sanguin? Colérique? Ça doit faire 250 fois que j'entends ça! J'ai fait des choses dans la vie, c'est normal de subir la critique. Sinon, vous restez chez vous et vous allez jouer au golf en Floride. Mais je n'ai jamais aimé le golf», lance-t-il, sourire en coin.

Référendum, nationalisme et identité

Entré en politique pour «faire du Québec un pays», PKP admet sans détour que le PQ s'est planté aux élections de 2014. «Nous n'étions pas préparés à parler de la souveraineté lors de la dernière campagne, dit-il. Les libéraux ont associé souveraineté et référendum. Ç'a été une passe directe au Parti libéral. Or la souveraineté, c'est pas mal autre chose que juste un référendum. Le référendum, c'est une modalité.»

Il propose maintenant de «démontrer les bienfaits de la souveraineté», comme le gouvernement écossais l'a fait ces dernières années. «On n'a pas eu l'occasion d'actualiser les études économiques, dit-il. Le Parti québécois n'a pas fait les efforts nécessaires et requis pour parfaire le bien-fondé de son option politique.»

Il se garde pour le moment de dire quand il déclencherait un référendum, mais pour lui, une chose est claire: l'appartenance au Canada est nuisible au Québec.

Politiquement, les Québécois, dit-il, ne peuvent prendre leurs décisions, en matière énergétique, par exemple. Économiquement, il compte faire la démonstration que «ce n'est pas payant pour le Québec de rester au sein du Canada».

Le Canada, conclut-il, est aussi un frein à l'essor culturel et identitaire des Québécois:

«Parce qu'il existe une charte canadienne des droits, les Québécois n'ont pas nécessairement le droit de se donner ce qu'ils souhaiteraient avoir comme souveraineté identitaire. Par la force des choses, la Charte canadienne et le multiculturalisme qui y est attaché s'imposent.»

Qui est-il?

53 ans

Né à Montréal

Député de Sant-Jérôme depuis avril 2014

Président du conseil d'administration d'Hydro-Québec (2013-2014)

PDG de Québecor (1999-2013)

Baccalauréat en droit (Université de Montréal)

Baccalauréat en philosophie (UQAM)

Modèle politique : Barack Obama