Grosse saison politique en vue, cette semaine marque le début de deux campagnes qui risquent de changer profondément leur environnement: celle de la course à la direction du Parti québécois (PQ) et celle en vue des élections fédérales d'octobre.

Mais non, ces deux campagnes sont déjà commencées depuis un bon moment, me direz-vous.

Au PQ, les candidats sont connus depuis des mois (il y en a même un qui a déjà eu le temps de se désister) et à Ottawa, le gouvernement Harper est en campagne électorale permanente depuis à peu près l'an dernier.

Tout cela est vrai, mais après des mois de réchauffement, les deux campagnes se mettent réellement en branle cette semaine avec, au PQ, le premier débat entre aspirants-chefs ce soir à Trois-Rivières et, sur la scène fédérale, le débat sur le nouvel enjeu de l'heure: la lutte contre le terrorisme, ici et ailleurs.

Il n'y a eu, à ce jour, qu'un seul débat entre candidats à la succession de Pauline Marois, celui de l'Université de Montréal, en janvier, qui avait donné quelques bons échanges. Nous étions toutefois restés sur notre faim, notamment à cause du format inusité (Pierre Karl Péladeau n'était pas physiquement sur place, mais bien retransmis dans un écran de télévision depuis Baie-Comeau). Alexandre Cloutier avait quelque peu ébranlé PKP avec ses questions sur les positions antisyndicales passées du propriétaire de Québecor, et les déclarations des autres candidats après le débat portaient essentiellement sur deux points: quel est le plan de match référendaire de PKP et est-il un vrai social-démocrate?

En principe, la table est donc mise pour ce soir, pour peu que les rivaux de PKP aient un peu envie d'en découdre avec lui et de le mettre à l'épreuve.

Ce n'est pas un hasard si M. Péladeau a décidé de présenter hier, veille du premier débat, ses priorités économiques. Il évitera ainsi de se faire reprocher de ne rien dire de concret et il aura une très belle tribune pour faire connaître ses priorités. Son plan économique ne révolutionne rien, mais il y a juste assez d'éléments (notamment sur le nationalisme économique) pour plaire aux militants péquistes.

Une chose, toutefois: si PKP se montre aussi tranchant et irritable avec ses rivaux qu'il l'a été, encore une fois hier, avec les journalistes, ce débat de Trois-Rivières pourrait soudainement gagner en épices.

Pendant ce temps à Ottawa...

Il y a quelques mois, le Parti conservateur de Stephen Harper salivait à l'idée de faire campagne sur les nouveaux surplus budgétaires, une occasion rêvée pour un gouvernement sortant.

L'effondrement du prix du pétrole a toutefois entraîné dans sa chute le plan des conservateurs, qui doivent se tourner vers autre chose. Après les attentats, ici et ailleurs, et avec la montée inquiétante de groupes comme l'État islamique ou Boko Haram, la lutte contre le terrorisme est devenue tout naturellement le nouveau cheval de bataille des conservateurs.

De toute évidence, tous les ministres du cabinet Harper ont appris le refrain, chantant les mérites du projet de loi C-51 et insistant sur les risques de nouvelles attaques terroristes. Même le ministre des Finances disait la fin de semaine dernière que les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par la menace terroriste.

Ce soir, on fait peur au monde? Il y a certainement un peu de ça dans la stratégie. Le ministre de la Défense, Jason Kenney, est même allé jusqu'à diffuser sur son compte Twitter des photos trompeuses d'actes de groupes terroristes. Le même ministre de la Défense a publié il y a deux semaines un gazouillis félicitant l'armée de l'air d'avoir touché des cibles du groupe État islamique. «Bravo @ARC_RCAF! Hier nos Hornet ont frappé 3 positions de combat d'#ISIL au nord de Mossoul», a écrit le ministre, un peu comme Denis Coderre nous relaye avec enthousiasme le pointage d'un match du Canadien.

Hier, en comité parlementaire, à Ottawa, le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a fait un lien entre la nécessité d'adopter son projet de loi C-51 et... l'Holocauste. «L'Holocauste n'a pas commencé dans les chambres à gaz, l'Holocauste a commencé avec des mots», a-t-il dit, plaidant, j'imagine, en faveur d'une plus grande surveillance de ce qui se dit et s'écrit sur les réseaux sociaux à propos du djihad.

La raison pour laquelle les conservateurs insistent tant sur la terreur est double: se présenter comme les seuls, les vrais gardiens de la sécurité et, accessoirement, créer la division entre le NPD, qui rejette C-51, et les libéraux, qui l'appuient tout en reprochant à Stephen Harper de cultiver la peur.

De toute évidence, le plan marche à merveille pour les conservateurs. Lundi soir, Justin Trudeau a prononcé à Toronto un discours dans lequel il écorchait vertement Stephen Harper. Hier, le NPD a répliqué en disant que «Justin Trudeau croit en la liberté, mais refuse de la défendre».

Le petit rire de satisfaction que vous entendez dans le fond de la salle est celui de Stephen Harper, qui n'en demandait probablement pas autant.

vmarissal@lapresse.ca