Si je vous dis: politicien très connu et très populaire, fils d'un personnage public marquant, jet-setter à ses heures, belle gueule et photogénique, capable de ramener les militants vers son parti, mais qui a tendance à parler trop vite, à se mettre le pied dans la bouche et qui doit souvent reculer après avoir créé la controverse, vous pensez à qui?

Justin Trudeau? Oui, c'est l'image que traîne le chef du Parti libéral du Canada, mais il a maintenant de la concurrence à Québec, en la personne de Pierre Karl Péladeau, député de Saint-Jérôme et candidat présumé dans la course à la direction du PQ.

M. Péladeau, comme M. Trudeau, brille plus, pour le moment, pour le contenant que pour le contenu. Les deux semblent doués pour lancer des idées ou des déclarations, qu'ils doivent par la suite préciser, corriger et parfois même carrément renier.

Une nuance, toutefois: Justin Trudeau semble parfois hésiter, improviser, avancer à tâtons sur les terrains minés. Pierre Karl Péladeau, lui, s'y lance avec impétuosité et volontarisme. Il dit ce qu'il pense, sans filtre, ce qui rend les reculs et les ajustements rétroactifs pénibles, douloureux et nécessairement opportunistes.

Prenez sa déclaration sur la pertinence du Bloc. Comment peut-on passer, vendredi, de «le Bloc ne sert strictement à rien, sauf à justifier le fédéralisme», à, mardi, «le Bloc est toujours pertinent à Ottawa» ?

M. Péladeau poursuit sa marche arrière en disant que «nous avons le droit de nous interroger [sur la pertinence du Bloc]». Donc, on peut s'interroger, mais on doit le faire en silence, éviter les débats sur la place publique, rassurer la famille en taisant les problèmes de l'un de ses membres. Surtout, ne pas parler de l'éléphant dans la pièce...

Ceci, à mon humble avis, ne correspond pas à la définition de leadership. S'il y a une chose que PKP peut apporter au PQ, un parti qui a besoin d'un électrochoc, c'est son franc-parler, sa fougue, sa détermination. Cela fait des années que l'avenir et la raison d'être du Bloc sont au centre d'un grand tabou au sein du mouvement souverainiste. Le malaise était déjà évident après la dégelée de mai 2011, il est devenu carrément intenable après l'élection de Mario Beaulieu à la tête du Bloc. N'est-il pas ironique que le Bloc, absent de l'actualité depuis des mois, y revienne ces jours-ci uniquement parce qu'on remet son existence en question?

Selon le plus récent sondage Crop-La Presse, le Bloc stagne à 14% dans les intentions de vote. Il y a pire: 31% des électeurs péquistes et 61% des électeurs de Québec solidaire disent vouloir voter pour le NPD au fédéral. L'idée, reprise par plusieurs députés du PQ hier, selon laquelle un souverainiste vote nécessairement Bloc à Ottawa ne tient tout simplement plus la route.

Les interrogations de Pierre Karl Péladeau à propos du Bloc étaient parfaitement légitimes. Le problème, c'est que cette réflexion, comme quelques autres récentes, semble sortie de nulle part. Comme son ouverture au privé en santé, comme sa décision de ne plus parler aux journalistes, comme ses sorties intempestives sur Facebook. M. Péladeau est en train de nous habituer à des sorties à l'emporte-pièce, comme le disait si joliment René Lecavalier.

Ce n'est pas compliqué: PKP a besoin d'un plan (et d'un conseiller fort, s'il est capable d'écouter, ce qui n'est pas acquis...). Il semble décidé à devenir chef du PQ et, éventuellement, premier ministre du Québec. Il doit maintenant expliquer pourquoi, pour quoi faire, dans quel but et avec quelles priorités. La notoriété, la popularité, le jet-set, la belle gueule, le patronyme, ça ne suffit pas. Surtout pas au PQ, un parti exigeant envers ses chefs.

Trêve de flirt et de préliminaires sur les réseaux sociaux. Mettez vos idées en place et plongez, M. Péladeau.

PKP devra toutefois réaliser que ce ne sera pas nécessairement une promenade. Qui dit course dit adversaires et il n'y a pas pires adversaires en politique que ceux de notre propre famille.

PKP peut bien accuser les journalistes de le «harceler», il devrait plutôt se préoccuper de ses collègues qui alimentent ces journalistes. Ça, c'est plus dangereux qu'un appel sur son téléphone privé.

Pour joindre notre chroniqueur: vmarissal@lapresse.ca