Mot de six lettres commençant par C, omniprésent dans l'actualité politique québécoise il y a six mois à peine et qui a complètement disparu du paysage depuis l'élection du gouvernement Couillard, le 7 avril dernier?

«Charte», bravo!

Bon, voilà, ce sera probablement la seule fois que vous lirez ce mot dans cette chronique pour un bon bout de temps parce que, de toute évidence, cet enjeu brûlant dans la société québécoise a été remisé au congélateur par le gouvernement Couillard en ce début de session parlementaire.

«Ce ne sera certainement pas une session-identité», résume, laconique, un proche conseiller du premier ministre. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, travaille bel et bien sur un nouveau projet de loi, mais n'attendez rien de concret avant 2015, et encore.

Dans un article récent, le collègue de L'actualité Alec Castonguay, qui avait passé la soirée électorale avec Philippe Couillard et ses conseillers, racontait pourtant que le chef libéral avait repoussé sans équivoque l'idée de faire traîner ce dossier. «Non, on va faire ça rapidement, dès le début du mandat», a-t-il sèchement répondu lorsqu'un collaborateur lui a suggéré qu'il avait quatre ans pour régler cet épineux dossier.

En ce début de session parlementaire à Québec, la priorité (vous l'a-t-on assez dit?), c'est l'économie. Au retour à l'équilibre budgétaire, dès 2015, pour être plus précis.

Le postulat de Philippe Couillard est simple: le gouvernement du Québec dépense plus qu'il ne perçoit, ce qui crée un déficit, ce qui limite sa marge de manoeuvre et ce qui fait renaître le spectre d'une décote par les grandes agences de notation. Au seul département de la dette, Québec verse 10,3 milliards par année pour couvrir les intérêts, martèle-t-on dans l'entourage de M. Couillard. Pas très difficile de faire la démonstration qu'une telle charge est intenable.

Ce qui est difficile, toutefois, pour le gouvernement Couillard, c'est de présenter un plan cohérent qui ralliera la population à la cause commune de l'atteinte de l'équilibre budgétaire. On ne peut mener un tel exercice contre la population, elle doit être dans le coup. M. Couillard est certes un politicien cartésien, mais il n'a pas le charisme de Lucien Bouchard, qui avait lancé la première opération «déficit zéro» en 1996.

Par ailleurs, le plan Couillard semble pour le moment mené dans la plus grande improvisation, au gré des fuites, des hypothèses et des déclarations malheureuses de certains ministres. Il ne se passe pas une journée sans que de nouvelles rumeurs de compression ne fassent la manchette. Des compressions qui touchent directement les citoyens: centres de la petite enfance, aide aux devoirs, financement des universités, activités et ressources spécialisées dans les écoles...

Pendant la campagne électorale, le chef libéral et ses candidats économiques ne sont pas entrés dans les détails des compressions à venir, se contentant de répéter qu'il fallait réduire la taille de l'État.

L'opposition péquiste n'a pas mis de temps, hier, lors de la première période des questions, à rappeler que le PLQ nous promettait en campagne électorale le retour des investissements majeurs du secteur privé advenant son élection. C'est de bonne guerre parce que les chiffres, depuis six mois, démontrent plutôt une détérioration de l'économie québécoise, comme l'a noté hier le chef de l'opposition, Stéphane Bédard.

J'ai retrouvé dans un vieux carnet les notes d'une entrevue, en mars dernier, avec celui qui allait devenir président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. «Les marchés lisent la même chose que nous: avec le PQ, c'est le risque d'un autre référendum, m'avait-il dit le jour du dévoilement du cadre financier du PLQ. Si nous gagnons, il y a plusieurs investissements qui sont sur le frein en ce moment à cause du PQ qui se réaliseront. Si le PQ gagne, la léthargie se poursuivra et s'aggravera.» Je me souviens d'avoir pensé qu'un tel raisonnement s'approchait davantage de la pensée magique partisane que des bases solides de la science économique, mais M. Coiteux défendait néanmoins son point avec conviction.

Hier, le premier ministre Couillard a simplement répondu à Stéphane Bédard qu'il «entend tous les jours le soulagement du milieu économique», tout en reconnaissant que la reprise sera longue et ardue.