Résumons simplement l'enjeu des deux élections partielles tenues hier à Toronto : à un peu plus de 15 mois des prochaines élections générales, les néo-démocrates de Thomas Mulcair et les libéraux de Justin Trudeau devaient faire la démonstration qu'ils peuvent non seulement garder leurs sièges, mais, encore mieux, en gagner de nouveaux pour devenir la véritable solution de rechange aux conservateurs de Stephen Harper.

On tend souvent à minimiser l'impact des élections partielles (peut-être encore plus celles tenues en été), mais celles de Trinity-Spadina (centre de Toronto, laissée vacante par le départ d'Olivia Chow dans la course à la mairie de la ville reine) et Scarborough-Agincourt (nord-est de Toronto) étaient lourdes de signification pour la suite des choses.

Commençons par une évidence : Justin Trudeau est, sans contredit, le grand gagnant de cette ronde de partielles. Son parti a fait exactement ce qu'il devait : conserver Scarborough-Agincourt, haut la main, et faucher Trinity-Spadina au NPD. En prime, le score honorable dans les circonscriptions albertaines, même si cela ne donne aucun siège pour le moment et n'en annonce aucun pour 2015.

Pour Thomas Mulcair, la soirée d'hier soir aura été un pénible rappel juste avant les vacances d'été. Les sondages le disaient, les résultats d'hier le confirment : le Parti libéral est de retour en force en Ontario, là où se jouent les élections. Les néo-démocrates diront qu'il est difficile de remplacer une députée vedette comme Olivia Chow, que ce n'est qu'une partielle, que le taux de participation était bas, que, que, que... Soit, les partis en perte de vitesse dénichent toujours des trésors d'imagination pour expliquer leurs insuccès, mais le résultat dans Trinity-Spadina se résume en deux mots pour Thomas Mulcair : mauvaise nouvelle.

Depuis qu'il est chef du NPD, Thomas Mulcair n'a ravi aucun siège aux partis adverses lors de primaires. Hier, dans Trinity-Spadina, il en a perdu un premier. Pour Justin Trudeau, c'était un deuxième gain aux dépens dans une partielle (Labrador en 2013, aux dépens des conservateurs et Trinity-Spadina, hier, contre le NPD).

On a beau dire que les partielles ne veulent pas dire grand-chose, vaut mieux en gagner qu'en perdre, tout de même.

Pour Stephen Harper, il n'y avait pas beaucoup de suspense hier soir. Assuré de conserver les deux circonscriptions en jeu en Alberta (MacLeod, remportée avec 35 000 voix de majorité en 2011 et Fort McMurray-Athabasca, majorité de 18 000 en 2011), il n'avait pas de réels espoirs de gain en Ontario.

Théoriquement, les conservateurs pouvaient espérer l'emporter dans Scarborough- Agincourt, une circonscription détenue depuis 25 ans par un libéral très « socialement conservateur » (Jim Karygiannis), mais s'ils n'y sont pas parvenus lors des élections générales de 2011 malgré un vent de dos favorable, c'est peut-être parce qu'ils ont atteint leur limite de croissance en Ontario.

Si tel est le cas, cela devrait inquiéter le premier ministre Stephen Harper.

Mais il y a autre chose qui devrait l'inquiéter encore plus : le PLC, malgré plusieurs publicités négatives contre son chef Justin Trudeau, tient le cap et poursuit sa progression. Surtout en Ontario, où la marque libérale regagne du terrain.

Les attentes et les risques, hier soir, étaient beaucoup plus grands pour Justin Trudeau. Le chef libéral a joué très gros dans Trinity-Spadina.

Après avoir promis de laisser les militants de chaque circonscription choisir librement leur candidat dans des courses à l'investiture, le chef libéral a bloqué une aspirante, Christine Innes, femme de l'ancien député libéral local, Tony Ianno. Le PLC a choisi de présenter Adam Vaughn, ex-journaliste et conseiller municipal bien en vue à Toronto. La manoeuvre a provoqué quelques remous et a valu au chef libéral une poursuite en diffamation de la part de Mme Innes.

Avec une victoire libérale dans Trinity-Spadina, une première depuis 2004, Justin Trudeau peut respirer plus librement et espérer un retour en Ontario après une longue traversée du désert.

La défaite du NPD dans Trinity-Spadina arrive, coïncidence, le jour même où le maire Rob Ford est revenu à l'hôtel de ville après une cure de désintoxication. Il reprend donc sa campagne électorale à la mairie contre la meneuse présumée, Olivia Chow.

Après la déconfiture du NPD provincial aux élections générales ontariennes, début juin, et, maintenant, cette défaite dans l'ancienne circonscription d'Olivia Chow, Thomas Mulcair doit souhaiter une forte performance de celle-ci aux municipales de novembre.