Serait-ce la Charte de la laïcité? Les questions identitaires ou linguistiques? Ou alors l'économie? La santé ou peut-être la préservation des programmes sociaux? À moins que ce ne soit l'emploi ou le rôle de l'État dans le développement économique?

Quel est, au juste, l'enjeu de cette campagne électorale, rendue inévitable, selon Pauline Marois, en raison du blocage systématique à l'Assemblée nationale?

Accuser libéraux, caquistes et solidaires d'avoir précipité les Québécois aux urnes (pour la cinquième fois en un peu plus de 10 ans) alors que Mme Marois et ses ministres se promènent partout au Québec depuis des semaines en déversant des millions, c'est un peu facile.

On ne peut pas dire que le gouvernement a essayé très fort de trouver des terrains d'entente avec les partis de l'opposition. Son menu législatif est famélique depuis des mois et il s'occupe essentiellement, depuis août, à faire monter la sauce identitaire.

Ce même gouvernement a déposé il y a deux semaines un budget incomplet dans lequel on ne trouvait aucun élément, même partiel, pouvant répondre aux attentes des partis de l'opposition et aucune trace du début d'une intention de discuter.

Idem pour la Charte de la laïcité. Dès le jour 1 de la commission parlementaire, le ministre responsable, Bernard Drainville, a déclaré qu'il n'avait absolument pas l'intention de modifier les paramètres de base de son projet de loi.

Accuser les partis de l'opposition de bloquer le bon fonctionnement du gouvernement, c'est non seulement faible comme argument, c'est intellectuellement malhonnête et politiquement hypocrite.

On cherche l'enjeu, mais il est là, juste devant nous, aussi gros que l'autocar de Mme Marois: nous sommes en campagne électorale parce que le Parti québécois (PQ) croit avoir une chance réelle de rafler une majorité. Ces élections, aux premières heures de sa vie, ressemblent presque à un référendum sur Pauline Marois et son gouvernement.

Mais un gouvernement majoritaire pour faire quoi?

Un nouveau budget - complet, celui-là - qui indiquera clairement aux Québécois où, combien et comment il faudra couper ou rationaliser pour retrouver l'équilibre budgétaire? Qui prévoira aussi ce qu'on fera des éventuels surplus, dans quelques années?

Une réforme majeure du système de santé, telle qu'esquissée dans le demi-budget Marceau? (Je doute fort que le PQ veuille vraiment s'embarquer là-dedans en campagne électorale.)

Un plan de développement énergétique du Québec? Un durcissement de la loi 101? L'adoption, tel quel, du projet de loi sur la Charte de la laïcité ou une version allégée? Ou, au contraire, plus ferme encore?

Chose certaine, Pauline Marois ne dira pas qu'elle veut une majorité pour faire la souveraineté du Québec et elle ne discutera pas de la date d'un hypothétique prochain référendum.

La dernière fois que le PQ a été élu (majoritaire) en promettant un référendum dans un échéancier précis, c'était il y a 20 ans, sous Jacques Parizeau (un référendum dans un horizon de 12 mois, avait-il dit). Nous nous retrouvons, deux décennies plus tard, devant un cul-de-sac: le PQ a besoin d'une majorité pour espérer tenir un troisième référendum, mais il ne peut espérer l'obtenir en promettant de le faire. L'incontournable question plane donc encore au-dessus de la campagne de Mme Marois: un vote pour le PQ est-il un vote pour la souveraineté?

Le fait qu'on parle, si tôt en campagne, d'un éventuel référendum est un signe évident de l'avance du PQ. Pour plusieurs, l'élection d'un gouvernement Marois majoritaire est déjà acquise, et ils sont prêts à passer à l'étape suivante. Le triomphalisme est le pire ennemi des péquistes en ce moment.

Erreur. Plusieurs campagnes électorales récentes au Québec, au fédéral et dans le reste du Canada nous ont démontré que les sondages ne disent pas et ne voient pas tout, qu'ils se trompent même parfois. Ces élections devraient aussi nous avoir appris que la nature a horreur du vide, que chaque campagne électorale trouve son rythme, qu'un coup de vent est si vite arrivé.

Les stratèges péquistes le savent. Ce n'est pas pour rien que Mme Marois veut limiter son degré d'exposition, devant les médias et en débat contre ses adversaires.

vincent.marissal@lapresse.ca