Philippe Couillard serait-il affligé du même mal mystérieux qui a paralysé Lucian Bute samedi soir, au moment où il aurait pourtant dû livrer le combat de sa vie?

En tout cas, M. Couillard, comme Lucian Bute, a les réflexes ramollis et il est en train de se battre tout seul dans le ring préélectoral.

Après des semaines de malaises, ce qui devait arriver est arrivé: la députée Fatima Houda-Pepin a claqué la porte du caucus libéral, incapable, apparemment, de se plier à la ligne de parti défendue par M. Couillard et ses porte-parole dans le dossier de la Charte. Pas exactement le genre de rentrée que souhaitait le chef libéral en ce début de saison politique, mais ce n'est pas très surprenant non plus.

On pourra débattre longtemps sur les motifs du départ de Mme Houda-Pepin (principes, ego surdimensionné, orgueil meurtri, incompatibilité avec le chef???). On pourra aussi dire que, après tout, c'est mieux comme ça, parce que Mme Houda-Pepin était devenue une distraction ou que, au contraire, c'est un coup dur pour le PLQ parce qu'elle devient une martyre. Certains ajouteront, avec raison, que la députée de La Pinière s'est condamnée elle-même en défiant son chef et le principe de solidarité du caucus (deux fois plutôt qu'une, d'ailleurs) et que cela ne pouvait plus durer.

Soit, mais le plus grand perdant de cet épisode, ce n'est pas Fatima Houda-Pepin, c'est Philippe Couillard. Déjà que bien des observateurs et, pire encore, bien des députés libéraux n'étaient pas très impressionnés par le leadership de leur nouveau chef, voilà une indication claire de son manque d'ascendant sur ses troupes.

Cette crise était prévisible depuis des mois. On la voyait venir comme l'orage de fin de soirée, au mois de juillet, après une canicule étouffante de quelques jours.

Ce qui n'aidera pas Philippe Couillard, c'est que bien des députés libéraux ne sont pas encore sevrés de l'ère Charest, un chef qui, quoi qu'on en pense, réussissait à maintenir la cohésion dans la famille libérale même par temps orageux.

Bien sûr, il y a eu des départs sous Jean Charest (Marc Bellemare, Yves Séguin, Thomas Mulcair), mais il ne s'agissait pas de démissions fracassantes au coeur d'un grand débat national comme celui que nous vivons en ce moment autour des libertés religieuses. Et puis, même mal pris, Jean Charest savait retomber sur ses pattes et il retrouvait vite son instinct et ses réflexes électoraux.

Supposons que nous nous retrouvions dans quelques semaines, comme la rumeur le veut, en campagne électorale au Québec, les événements des derniers jours n'ont rien pour rassurer le caucus et les militants libéraux. Leur chef est lent à réagir, parfois totalement absent, presque toujours à la traîne.

La situation du PLQ en ce moment est aussi simple qu'inquiétante pour ses militants: beaucoup trop exposé sur son terrain le plus vulnérable, le débat identitaire, et totalement absent sur son terrain de prédilection, l'économie.

Hier, pendant que Philippe Couillard assistait à une réunion tendue de son caucus, Pauline Marois était à Londres en train de parler d'économie et d'investissements, tout en vantant chez les Anglais le projet de Charte de la laïcité de son gouvernement.

La stratégie du PQ fonctionne, pour le moment, à merveille. Au terme d'une journée intense en politique québécoise, le chef de la CAQ, François Legault, a suggéré hier soir, sur son compte Twitter, de laisser la Charte de côté quelques heures pour regarder le match d'Eugenie Bouchard au tournoi de tennis d'Australie!

Lorsque les partis de l'opposition sont à ce point mal pris avec le principal projet du gouvernement, c'est que celui-ci est en train de gagner son pari.

Pourtant, la dernière semaine n'a pas été si bonne pour le gouvernement Marois, en ce début de commission parlementaire sur le projet de charte. Opposition forte de groupes importants, comme le Barreau, la Fédération des femmes du Québec, la Fédération des commissions scolaires et la Commission des droits de la personne, et dérapage clownesque au Salon rouge... Rien, en fait, ne semble ébranler le gouvernement.

C'est que le PQ, contrairement au PLQ, a une position ferme, claire et facile à expliquer, quitte à y mettre un peu (on est en politique, après tout!) de démagogie. En plus, le gouvernement Marois compte sur un excellent «vendeur», le ministre Drainville, ce qui n'est pas le cas, non plus, des libéraux.

Ce que l'affaire Houda-Pepin vient de démontrer, si besoin était, que c'est que le débat sur la Charte de la laïcité ne supporte pas les nuances. C'est noir ou blanc. Philippe Couillard, intello cartésien, essaye, lui, d'expliquer les zones de gris.

On le savait déjà, le PQ le savait déjà, mais voici, avec l'affaire Houda-Pepin, une autre preuve qu'il est plus facile de promettre de retirer des droits au nom de l'identité québécoise que de défendre des exceptions par respect des libertés individuelles.