Longtemps considérée comme une malédiction envoyée par le diable lui-même, l'épilepsie est mieux comprise aujourd'hui, mieux traitée aussi, mais à sa seule évocation, on imagine encore les pires scènes de convulsions incontrôlables, parfois même fatales, pour ses victimes.

Une fois le diagnostic tombé, Daniel Paillé a rapidement compris (et ses médecins l'en ont aussi convaincu) qu'aux horaires, au stress et à la pression imposés à un chef de parti, il est dangereux d'ajouter une telle condition médicale.

Coup dur ou coup de chance pour le Bloc, que ce départ précipité?

Sans rien vouloir enlever à M. Paillé, qui a travaillé dans l'ombre à rebâtir un parti pratiquement anéanti, disons que les perspectives de croissance sous sa gouverne semblaient limitées, notamment en raison de son manque de notoriété.

Le Bloc, avec seulement 4 députés, n'est plus très visible et M. Paillé ne siégeant pas aux Communes, les occasions de se faire voir étaient moins nombreuses.

Pire encore, la fois où le Bloc a beaucoup fait parler de lui depuis qu'il est dirigé par Daniel Paillé, c'est lors de l'épisode Maria Mourani, ancienne députée bloquiste éjectée du parti en raison de son opposition à la Charte de la laïcité.

Le départ de M. Paillé, au contraire d'une tragédie, offre au Bloc une occasion de se relancer. Pour espérer y arriver, il faudra toutefois un chef connu et aguerri.

Avant de parler des aspirants, d'inévitables questions se posent: a-t-on encore besoin du Bloc? A-t-il encore un avenir? Est-ce que cette expérience est arrivée à sa fin?

Pour le Bloc, l'avenir n'est pas rose, mais il est peut-être moins sombre que ne le laisse croire sa position marginale aux Communes. Le parti fondé par Lucien Bouchard a une base (35 000 membres) et des racines (contrairement au NPD), de l'argent, du moins pour la prochaine élection (c'est après 2015 que ça se compliquera, lorsque le financement public sera définitivement coupé) et des appuis électoraux (près de 20% d'intentions de vote, avec un chef méconnu et peu charismatique).

Alors, qui pourrait relancer ce parti donné pour mort il y a 30 mois?

Le premier nom qui m'est venu en tête, hier matin, est celui du prédécesseur de Daniel Paillé, Gilles Duceppe, chassé en 2011 par la vague orange de Jack Layton.

J'ai rapidement testé cette idée auprès de M. Duceppe, qui m'a répondu: «Je n'ai pas eu le temps de penser à ça, je veux d'abord entendre ce que Daniel [Paillé] dira...»

Après ce qu'il a vécu, après la cuisante défaite, M. Duceppe aurait pu dire: «Es-tu fou??? Jamais!!!» Il a plutôt dit qu'il n'y avait pas pensé...

Certains diront que Gilles Duceppe ne peut revenir, qu'il représente le passé, qu'il a mené son parti à sa pire dégelée, mais il est encore relativement jeune (66 ans), il est en forme et il supporte apparemment assez mal l'inactivité et son statut de retraité. Tout le monde sait, à Québec, qu'il souhaiterait «servir» et qu'il ronge son frein.

De plus, M. Duceppe connaît le Bloc et la scène fédérale comme le fond de sa poche, notamment le dossier de l'assurance-emploi, les ponts, les fonds de travailleurs et autres «irritants» dans la relation Québec-Ottawa.

Le Bloc a été durement jugé par les électeurs québécois, mais ils gardent généralement une opinion positive de M. Duceppe, perçu comme un homme tenace et intègre dont on s'est débarrassé rudement.

Au retour des Fêtes, il y aura des sondages, on testera des noms, on comparera les intentions de vote avec ces noms. Si les sirènes chantent, il se pourrait fort bien que M. Duceppe écoute, mais il ne sera pas seul sur le navire.

À Ottawa, on avance le nom, d'André Bellavance, député de Richmond-Arthabaska et de Pierre Paquette, ex-député de Joliette, qui avait songé à se présenter à la direction du Bloc en 2011, mais qui avait plutôt choisi de retourner à l'enseignement.

On a aussi entendu hier le nom de Bernard Landry, infatigable soldat du mouvement souverainiste. M. Landry sera sans doute flatté, mais à 76 ans, serait-il disposé à se lancer dans une telle galère?