Petit dimanche froid et gris de décembre, en fin d'après-midi, dans une école secondaire de Bordeaux-Cartierville, des jeunes joueurs de soccer jouent dans les gymnases ou courent dans les corridors en attendant la fin du tournoi.

Dans un coin, une dame attend qu'on lui indique où elle doit se rendre pour la cérémonie des médailles.

«Bonjour, je suis Christine Saint-Pierre, députée de l'Acadie, je viens pour la remise des médailles», dit-elle à un responsable qui, visiblement, ne l'avait pas reconnue et ne savait pas trop quoi lui dire.

Pas toujours glamour, la vie de député! De très longues heures de travail, y compris la fin de semaine, toujours souriant, toujours bien mis. Contrairement aux papas qui accompagnent fiston au soccer, la députée ne peut pas arriver hirsute, en jeans troués et espadrilles. Faut serrer des mains, prendre des photos pour l'hebdo du coin, représenter le gouvernement ou l'Assemblée nationale devant des gens qui n'ont pas toujours beaucoup de considération pour les élus. Et avec le sourire!

En plus, les élus sont constamment soumis à la surveillance des médias et de leurs adversaires pour leurs dépenses et leur comportement en général. Gare aux verres de trop dans les cocktails!

Ne pas se faire voir n'est pas une option puisqu'un député absent dans sa circonscription ou à l'Assemblée nationale se fait vite taper sur les doigts

Bon, n'exagérons pas: la vie de député n'est pas un enfer, mais il faut vraiment ne rien comprendre à leur travail, à leurs responsabilités et à leurs devoirs pour les traiter d'enfants gâtés. Surtout les députés québécois, qui sont, de toute évidence, sous-payés.

Ironiquement, le fait que la question de la rémunération des députés de l'Assemblée nationale revienne, de façon cyclique, tous les deux ans environ, démontre de facto que le problème n'est toujours pas réglé. À Ottawa, le Parlement, sous le gouvernement Chrétien, a donné un grand coup il y a plus de 15 ans, revoyant au passage le régime de pension, et plus personne ne parle du salaire des députés depuis des années. On ajuste, on élimine les avantages indus ou abusifs et on se colle ensuite sur l'indexation du coût de la vie. Il y aura bien des gens pour se plaindre et critiquer, mais il y en a toujours, même en ce moment, pour trouver que les députés gagnent trop d'argent.

Les députés québécois sont sous-payés, soit, mais leur timing ne pourrait être pire pour attirer la sympathie de leurs concitoyens, en cette période (bien normale) d'hypersensibilité des électeurs aux dépenses sans fond des deniers publics.

L'ancien député libéral Norm MacMillan disait il y a quelques années qu'il n'y a jamais de bon moment pour débattre du salaire des députés. Il avait bien raison, il n'y a jamais de bon moment et certains moments sont encore pires que d'autres!

Ce pourquoi il faut commencer par abolir tout ce qui ressemble à un régime de faveur, comme ces fameuses «allocations de transition», pouvant atteindre 150 000$ dans certains cas, pour les députés qui abandonnent volontairement leur siège, souvent très peu de temps après les élections précédentes, souvent pour aller se faire élire ailleurs ou pour accepter un poste dans le secteur public. Ou pour partir à la retraite. A-t-on besoin d'une «allocation de transition» pour prendre sa retraite alors qu'on touche déjà une pension (généreuse, dans le cas des députés de longue date)?

Posons la question autrement: combien de travailleurs ont droit à une telle allocation lorsqu'ils quittent volontairement leur emploi? Dans la vraie vie, les travailleurs se voient même privés d'assurance-emploi s'ils démissionnent. Le gouvernement Marois a déposé un projet de loi abolissant, notamment, cette allocation pour départ volontaire (sans raisons médicales) et les députés se rendraient service en l'adoptant.

Combien devrait gagner un député québécois? Difficile à dire, mais il n'y a aucune raison pour qu'ils gagnent 36% de moins que leurs collègues d'Ottawa (87 000$ de base à Québec, plus une allocation non imposable de 16 000$, donc près de 100 000$ contre 157 000$ à Ottawa). Un rattrapage progressif sur une décennie ne devrait scandaliser personne.

On compare souvent avec le salaire des juges, mais 230 000$ (pour les juges de la Cour du Québec), c'est certainement trop élevé pour un député. Ce niveau de rémunération serait toutefois approprié pour le premier ministre, sous-payé actuellement à 180 000$ (contre 320 000$ pour son homologue fédéral).

En ces années de goinfrerie scandaleuse des bonzes de Wall Street et des dieux de la haute finance, il faut toutefois viser une rémunération juste et modérée.

Certains s'étonnent, par exemple, que le président des États-Unis ne gagne «que» 400 000$ par année.

D'abord, 400 000$, c'est tout de même 10 fois plus que le salaire moyen parmi ses compatriotes. Et puis, c'est après la présidence que ça devient payant pour un ex-président, dont Bill Clinton, qui a gagné plus de 100 millions depuis qu'il a quitté la Maison-Blanche en 2000 (discours, livre).

Il faut aussi se rappeler que les leaders ne dépensent pas beaucoup de leur propre poche durant leur mandat.

Petite anecdote: en visite officielle à Paris, Brian Mulroney et Robert Bourassa avaient décidé de quitter une rencontre et de rentrer à leur hôtel en taxi. Léger problème à destination: aucun n'avait d'argent ni même de portefeuille sur lui! C'est le concierge de l'hôtel qui avait dû les tirer de cet embarras...

Exemples de salaires

Premier ministre

> Ottawa: 320 000$

> Québec: 181 000$

Ministres

> Ottawa: 236 000$

> Québec: 154 000$

Députés

(salaire de base, avant allocations et primes pour responsabilités)

> Ottawa: 157 000$

> Québec: 87 000$

Maire de Montréal

156 000$

Juges

> Cour du Québec: 238 300$

> Cour municipale: 202 900$

Dirigeants de sociétés d'État

> Hydro-Québec (2010): 570 096$

> Loto-Québec(2010): 354 608$

> SAQ: 332 988$