S'il y a une chose qui frappe lorsqu'on s'assoit dans les tribunes de l'Assemblée nationale et qu'on regarde en bas, vers les banquettes des députés dans le Salon bleu, c'est à quel point ce groupe d'élus est homogène. À part quelques très rares députés noirs, un d'origine iranienne ici, une Arabe là, c'est blanc, blanc, blanc. Du concentré de «de souche».

La composition de l'Assemblée nationale représente fidèlement la réalité démographique des régions du Québec, mais certainement pas le caractère très multiethnique de Montréal, la plus grande ville, où vit près de la moitié de la population de la province.

Depuis longtemps, les partis politiques en sont conscients et essaient, quoique timidement et avec peu de succès, d'attirer dans leurs rangs des candidats des minorités visibles.

La nouvelle directive du Parti québécois, annoncée la fin de semaine dernière par Pauline Marois, qui interdit aux candidats péquistes de porter quelque signe religieux que ce soit, ne contribuera certainement pas à renverser cette tendance.

De Camille Laurin à Bernard Landry, en passant par Gérald Godin, le Parti québécois a essayé de tisser des liens avec les minorités culturelles, de s'en rapprocher, avec, il faut bien l'admettre, un succès mitigé.

La déclaration de Jacques Parizeau, le soir du référendum de 1995, avait, de l'aveu même de stratèges souverainistes, mis à mal ces modestes avancées. La nouvelle règle de candidature de Pauline Marois n'aura pas la même portée spectaculaire, mais elle ne sera certainement pas perçue non plus comme une invitation aux membres de communautés culturelles.

De facto, cette directive ferme même carrément la porte à plusieurs groupes, dont les juifs, les sikhs et les femmes musulmanes voilées. Aucun candidat ou député catholique (la majorité à l'Assemblée nationale) ne se présente au Salon bleu ou en campagne électorale avec un gros crucifix dans le cou, mais un sikh, un juif pratiquant ou une femme musulmane ne se départira pas, qui de son turban, qui de sa kippa ou de son voile. (Lorsqu'il était député du Bloc, l'abbé Raymond Gravel portait régulièrement une croix sur le revers de son veston, ce qu'il n'aurait pas pu faire au PQ, selon les nouvelles règles. Gilles Duceppe ne lui aurait jamais demandé d'afficher sa neutralité en retirant ce signe très visible!).

Le PQ dit aux membres de ces communautés qu'il n'en veut pas comme candidats, ce qui constitue soit un recul sur les rêves de Gérald Godin, soit un aveu d'échec des tentatives de rapprochement des 40 dernières années. Le PQ veut des candidats «génériques», sans signes distinctifs, sans particularités identitaires.

Ce faisant, le Parti québécois confond neutralité des institutions et homogénéisation de ses représentants. Comme il le fait d'ailleurs pour la fonction publique et parapublique.

Porter un symbole identitaire de sa religion ou de sa communauté n'est pas gage infaillible de déraison ou d'extrémisme pour un élu. Certainement pas une preuve de prosélytisme. Pour reprendre le slogan de cet hôpital ontarien qui veut recruter des infirmières au Québec, ce qui compte, ce n'est pas ce qu'il y a sur la tête, mais bien ce qu'il y a dedans.

À Ottawa, les députés conservateurs (et quelques libéraux) les plus réactionnaires, les moins progressistes, les plus influencés par leurs croyances religieuses, notamment sur la question de l'avortement, se fondent dans le paysage, en complets-cravates anonymes, sans aucun signe ostentatoire. À côté d'eux, les quelques sikhs enturbannés et les juifs qui portent parfois la kippa sont des modèles de modération. Comme quoi, excusez le dicton ostentatoire, ce n'est pas l'habit qui fait le moine.

Un parti politique national, à plus forte raison s'il est au pouvoir, devrait être le reflet de sa société, et cette société n'est pas homogène. À moins de vouloir gommer toute différence, ce qui est paradoxal pour une nation qui se définit, justement, par son caractère distinct et par son ouverture.

Parlant de religion, le PQ vient d'en balancer une autre: celle du déficit zéro.

Tant mieux.

Cela vaudrait mieux que de tripoter les chiffres, de les torturer même, pour arriver, au prochain budget, à un équilibre factice obtenu grâce à un échafaudage financier bancal.

Le Québec se relève, tranquillement. Ce n'est pas la fin du monde. Le gouvernement Harper a survécu, sans décote des sacro-saintes agences de notation, à deux reports de l'atteinte du Saint-Graal budgétaire.

Miser sur la transparence plutôt que sur les subterfuges budgétaires n'est jamais une mauvaise stratégie.

vmarissal@lapresse.ca