Il y avait longtemps qu'on n'avait pas joué à «Pis, c'est quand, les élections?», mais il semble que nous soyons mûrs pour une nouvelle ronde.

Je ne vous dirai pas quand aura lieu le prochain scrutin tout simplement parce que je ne le sais pas. En fait, personne ne le sait, pas même la première ministre Pauline Marois qui, comme tous ses prédécesseurs, prendra (ou non) cette décision à la dernière minute.

Ce que je sais, par contre, c'est qu'à Québec, où j'ai passé une partie de la semaine, peu de gens doutent, dans la bulle parlementaire, d'un appel aux urnes le 9 décembre.

À la «porte 6» de l'Assemblée nationale, là où les fumeurs vont en griller une, deux conseillers de Philippe Couillard discutaient déjà d'horaire de campagne. Une conseillère péquiste, croisée plus tard sur Grande-Allée, m'a demandé si j'avais l'intention de passer quelques-uns des 35 jours de virée électorale dans les bus. Selon elle, ce sera plus tôt que tard.

Idem pour un employé de François Legault et même pour le chef de la CAQ lui-même, qui se dit fin prêt pour des élections cet automne.

En fait, de tous les «politiques» rencontrés, seul un ministre du gouvernement Marois a mis des bémols au scénario de déclenchement imminent. «On n'a pas les chiffres, il me semble, mais ce n'est pas moi qui décide et je ne voudrais pas être dans les souliers de Mme Marois!», m'a-t-il glissé.

Donc, ira ou ira pas? À ce moment-ci, ça relève autant de la cartomancie que de l'analyse politique. Les signes sont là (multiplication des annonces, omniprésence de la première ministre, appels d'offres pour des pancartes, recherche de locaux électoraux, mais, pour citer Yogi Berra à l'envers, c'est pas parti tant que c'est pas parti!

À défaut de vous donner la date des prochaines élections, voici quatre bonnes raisons de déclencher... et quatre bonnes raisons de ne pas déclencher.

Feu vert

1. Dans notre système parlementaire, un gouvernement minoritaire, c'est déjà un défi. Mais, en plus, quand disparaît toute volonté, des deux côtés de la chambre, de faire «fonctionner le Parlement», c'est foutu. Le gouvernement peut, pendant un temps, gouverner par compromis et négociation, mais il faut être au moins deux pour danser, c'est bien connu. Les partis de l'opposition, eux, peuvent (ou doivent, parce qu'ils ne sont pas en position de force) mettre de l'eau dans leur vin au nom de l'intérêt de la population. En ce moment, nous ne sommes pas là-dedans à Québec. Même la CAQ, qui détient la balance du pouvoir et qui n'est pas nécessairement en bonne position électorale, n'est pas prête à appuyer le gouvernement, notamment sur son plan économique. Résultat: il ne se passe rien dans cette Assemblée nationale bloquée. Le menu législatif est vide et les projets à l'étude (ou annoncés) risquent de n'être guère adoptés dans le contexte actuel.

2. Il n'y a aucune alliance possible. Théoriquement, les partis de l'opposition pourraient s'unir, défaire le gouvernement et le remplacer. Dans la réalité, il est plus probable qu'il neige à Montréal en juillet que de voir un gouvernement de coalition PLQ-CAQ. J'ai testé cette hypothèse avec François Legault, qui l'a rejetée d'un revers de main. «Ce ne serait pas légitime, dit-il. Ça doit passer par des élections.»

3. Une campagne permettrait d'avoir une vue d'ensemble de ce que proposent les partis en présence. Un an seulement après le dernier scrutin, c'est rapide, direz-vous, mais, entre les annonces disparates du gouvernement et les réactions épidermiques de l'opposition, on a du mal à s'y retrouver en ce moment.

4. Des élections clarifieraient certaines dépenses. Depuis quelques semaines, les sommes engagées par le gouvernement (en fonds publics) pour vanter ses projets de charte ou de plan économique sont présentées comme «gouvernementales», mais, en réalité, nous sommes plus près des dépenses partisanes et électorales. En campagne, ce serait clair.

Feu rouge

1. Encore des élections! À peine 15 mois après les précédentes, il est vrai que ça commence à ressembler à de l'acharnement démocratique. Surtout, rappelons-le, que ce gouvernement qui se ferait hara-kiri a lui-même voté, avec tambour et trompette, une loi établissant le principe de scrutin à date fixe. Évidemment, une telle loi est inapplicable en temps de gouvernement minoritaire parce que l'opposition peut renverser le gouvernement, mais, dans le scénario envisagé, c'est Mme Marois qui «tirerait la plug». De plus, les électeurs sortiront d'une campagne municipale, et il y a danger de confusion et de lassitude.

2. Le facteur «quatre trente sous pour une piasse». Plusieurs électeurs diront, avec raison, qu'on risque de se retrouver avec un résultat tout à fait similaire au précédent au terme de ce scrutin hâtif, auquel cas il faudrait recommencer dans quelques mois.

3. Une campagne électorale monopolise - avant, pendant et après - les forces vives du parti au pouvoir, de l'Assemblée nationale et même d'une partie de la machine gouvernementale. L'économie du Québec, déjà fragile, souffrira vraisemblablement d'une autre période de léthargie étatique.

4. Laisser la commission Charbonneau terminer son travail, faire la lumière pour éclairer les électeurs. Après tout, n'était-ce pas le but souhaité par les partisans d'une telle commission, à commencer par le PQ?

Sur ce, bon congé de l'Action de grâce, en particulier au personnel politique. Profitez-en pour passer du temps en famille. Juste au cas...

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca