On a beau s'y attendre, depuis le temps que les conservateurs nous font le coup des publicités négatives contre leurs adversaires, mais ça surprend tout de même un peu chaque fois!

Il faut dire que dans notre paysage politique généralement poli, les conservateurs de Stephen Harper détonnent en repoussant chaque fois les limites de ce qu'il est permis de faire contre ses adversaires.

Lancée à peine 12 heures après l'élection du nouveau chef libéral, la nouvelle publicité intitulée «Pas à la hauteur» montre un Justin Trudeau à l'air hébété en plus de déformer grossièrement une citation dans une entrevue télé en 1999 dans laquelle on lui fait dire, en n'en gardant soigneusement qu'une partie, que les Québécois sont meilleurs que les autres Canadiens.

Voilà exactement le genre de traitement que les politiciens détestent, en particulier Stephen Harper, qui se méfie terriblement des médias. Mais à la guerre comme à la guerre, et les conservateurs mènent la leur à coups de bazooka. On y voit aussi Justin Trudeau en train d'enlever sa chemise à la façon d'un stripteaseur, au ralenti, avec une musique de cirque, montrant un côté frivole et même ridicule du jeune politicien.

La publicité ne précise pas, évidemment, que cette scène comique avait été tournée lors d'une activité pour amasser de l'argent pour la lutte contre le cancer. La récupération des images a d'ailleurs créé un certain émoi à Ottawa, notamment au sein de la fondation qui avait organisé l'événement.

Mais bon, la retenue n'a jamais été la marque de commerce des conservateurs, qui ont précédemment démoli l'image de Stéphane Dion en le montrant comme un chef faible et mou (la campagne intitulée «Not a leader/Pas un leader») et Michael Ignatieff comme un snobinard opportuniste qui a vécu des années à l'étranger avant de revenir au Canada pour lui-même («He didn't come back for you»).

Aussi dure que soit cette première publicité contre Justin Trudeau, on pourrait croire qu'elle lui rend service puisqu'elle démontre, de un, que les conservateurs sont vraiment inquiets de son arrivée et, de deux, parce qu'elle illustre clairement ses points faibles.

Si les conservateurs attaquent en affirmant que Justin Trudeau manque de sérieux, qu'il est puéril et qu'il n'est pas prêt à diriger le pays, c'est qu'ils ont découvert, avec leurs sondages et études de l'électorat, que c'est, en effet, une perception répandue. Savoir cela 30 mois avant les prochaines élections pourrait s'avérer utile. Tout dépend de la réaction de Justin Trudeau et de son entourage.

Après tout, cette image de jeune homme populaire, mais dépourvu de contenu, d'expérience et loin des préoccupations du «vrai» monde a été véhiculée ces derniers mois par des libéraux, dont les candidats malheureux à la direction du PLC, Martha Hall Findlay et Marc Garneau. Mme Findlay s'est même excusée, en février, d'avoir laissé entendre que Justin Trudeau est élitiste et ignorant de la réalité des gens ordinaires, lui qui, justement, vise la classe moyenne dans ses discours.

Martin Cauchon aussi, en entrevue, récemment, disait ne pas venir du même monde que Justin Trudeau, sous-entendant que celui-ci a été élevé avec une cuillère d'argent dans la bouche. Le genre de «tir ami» qui finit par donner des munitions aux vrais adversaires.

Répliquer?

Les nouvelles pubs conservatrices feront-elles mouche contre Justin Trudeau? Celles contre Stéphane Dion et Michael Ignatieff ont été d'une efficacité redoutable, justement parce qu'elles mettaient le doigt sur des travers réels ou présumés de ces deux anciens chefs.

Les libéraux semblent croire que, cette fois, les conservateurs se tireront dans le pied parce que Justin Trudeau est plus populaire que ses prédécesseurs et parce que les électeurs en ont soupé des campagnes de dénigrement systématique.

Comme ce fut le cas avec MM. Dion et Ignatieff, les libéraux ont décidé, leur nouveau chef en tête, qu'ils ne répliqueront pas par la négative, mais qu'ils lanceront plutôt des messages positifs présentant M. Trudeau sous un jour plus favorable.

Opposer espoir et positivisme aux attaques pernicieuses de l'adversaire, donc. L'espoir est meilleur que le désespoir, l'amour, meilleur que la haine, comme l'a écrit Jack Layton sur son lit de mort.

Cette position, aussi noble soit-elle, me semble un peu fleur bleue et certainement inadéquate contre le rouleau compresseur conservateur. Les libéraux, comme à l'époque de MM. Dion et Ignatieff, se confortent en disant que les électeurs n'aiment pas les publicités négatives. Ils n'aiment pas, peut-être (et encore, pas tout le monde), mais ils les regardent et elles font leur effet.

Rares sont les politiciens qui y échappent. Il faut avoir toute une carapace et jouir d'un grand capital de sympathie, comme Barack Obama, en 2008, qui avait esquivé sans une égratignure les publicités négatives républicaines qui le décrivaient comme une vedette populaire à la Paris Hilton ou comme le Sauveur envoyé par Dieu!

Personne n'est contre la vertu, mais il est tout de même étonnant que les libéraux, après avoir vu ce que les conservateurs ont fait à leurs chefs, persistent encore aujourd'hui à croire qu'ils finiront par gagner la bataille contre un goon en continuant de tendre l'autre joue.

Pour joindre notre chroniqueur: vmarissal@lapresse.ca