Les Montréalais ont bien des raisons de désespérer de leur ville ces temps-ci, mais ils pourront toujours se consoler en regardant du côté de Toronto, où le maire Rob Ford poursuit son règne clownesque.

Après avoir été destitué par la Cour supérieure de l'Ontario pour conflit d'intérêts, puis réinstitué par la Cour d'appel, après avoir appelé la police parce qu'un journaliste l'«espionnait» chez lui, après avoir été accusé d'avoir tripoté le postérieur d'une femme lors d'une réception, après plusieurs frasques et coups de gueule, voilà que le coloré maire de Toronto doit se défendre d'avoir un problème de consommation d'alcool.

L'histoire a éclaté au grand jour, hier, dans le quotidien Toronto Star, qui affirme, témoins à l'appui, que le maire a été prié de quitter un gala militaire le mois dernier parce qu'il était ivre. L'information a été confirmée, notamment par des élus municipaux alliés du maire Ford, qui assurent que celui-ci devrait suivre une cure de désintoxication pour soigner sa dépendance à l'alcool.

Rob Ford a tout nié en bloc, affirmant que le Toronto Star s'acharne sur lui depuis des années. Plusieurs témoins présents au gala des Amputés de guerre, mais aussi d'autres récits de récentes sorties publiques portent toutefois à croire qu'il a bel et bien un problème d'alcool. Des photos du maire visiblement éméché ou en train d'acheter des flasques de vodka à la LCBO (la Société des alcools ontarienne), publiées notamment sur les réseaux sociaux, semblent aussi contredire le maire.

La femme qui se plaint d'avoir été tripotée par le maire Ford plus tôt ce mois-ci, Sarah Thomson, ex-candidate malheureuse à la mairie de Toronto, est même allée plus loin dans une entrevue radiophonique. Elle a laissé entendre que Rob Ford avait probablement consommé aussi de la cocaïne. «Je n'ai évidemment pas de preuve, a expliqué Mme Thomson, mais j'ai lu sur internet que les gens qui prennent de la cocaïne parlent vite, ils ont chaud, ils suent, et le maire Ford avait tous ces symptômes.»

Ces accusations viennent d'une adversaire politique, ce qui impose une certaine prudence, mais des proches du maire Ford ont dit au Toronto Star qu'ils souhaitaient que son alcoolisme soit connu du public pour que le maire suive une cure au plus vite, avant d'y laisser sa peau.

Alcool, drogue et politique ne font pas bon ménage. Rappelez-vous André Boisclair, qui a dû expliquer pendant des semaines sa consommation de cocaïne passée durant la course à la direction du Parti québécois, en 2005. Il a finalement été élu à la tête du PQ, mais les histoires de cocaïne l'ont néanmoins suivi durant la campagne électorale de 2007.

D'autres politiciens avant Rob Ford ont vécu des moments cahoteux (parfois même chaotiques) à cause de leur problème de consommation d'alcool.

Les énumérer tous serait trop long, mais rappelons, entre autres, l'ancien premier ministre albertain Ralph Klein, qui était entré, un soir, complètement bourré dans un refuge de sans-abri, à qui il avait lancé une poignée de monnaie en leur criant de se trouver un job! La classe...

Récemment, le député néo-démocrate Roméo Saganash a admis publiquement son alcoolisme (après un incident dans un avion) et s'est retiré quelques mois pour se faire soigner, ce qui lui a valu les éloges de ses collègues de tous les partis aux Communes. Il est revenu au boulot et a repris ses dossiers au Nouveau Parti démocratique.

En 2002, l'ex-ministre libéral de la Défense John McCallum avait décidé de cesser de consommer de l'alcool après avoir été mis à la porte d'un avion d'Air Canada parce qu'il était trop imbibé.

Au Québec, bien des gens ont cru (et croient encore) que Jacques Parizeau n'était pas à jeun lors de son fameux discours le soir du référendum de 1995. La question lui avait même été posée sans détour par un collègue journaliste de la tribune parlementaire, ce qui avait causé un immense malaise dans l'entourage de l'ancien premier ministre.

M. Parizeau avait nié qu'il était ivre le soir du 30 octobre 1995.

Les moeurs ont bien changé au fil des années dans le monde politique (comme ailleurs, notamment dans les salles de rédaction!). Il y a deux ou trois décennies, il était fréquent de trouver des «26 onces de fort» dans les tiroirs des bureaux de députés, et on buvait ouvertement, même au travail, même en plein jour.

Je me souviens qu'à mes débuts comme courriériste parlementaire à Québec, il y a près de 20 ans, les élus, y compris les ministres, consommaient plus qu'aujourd'hui. Plus tôt aussi.

Le mercredi, par exemple, la période des questions commençait plus tard en après-midi, et plusieurs députés entraient au Salon bleu bien imbibés et dégageaient de forts effluves alcoolisés en passant devant nous dans le couloir de l'Assemblée nationale.

À l'époque, les députés siégeaient encore de soir et de nuit à la fin des sessions. Je vous laisse imaginer la suite. Il y a eu des engueulades, des empoignades, des discours incohérents. Une nuit, un député avait même volé la masse de l'Assemblée nationale...